Doctor Strange par AntoineRA

En s'attaquant à la dimension mystique de la mythologie Marvel, le MCU s'ouvre à de toutes nouvelles possibilités et, à travers ce film origine sur le Docteur Strange, offre à son public une expérience presque inédite. Même si les studios Disney/Marvel embrassent, cette fois, totalement l'aspect magique d'une frange de leur catalogue, au lieu de sans cesse ramener le raisonnement aux sciences (cf. Thor), ils n'en perdent pas forcément leurs mauvaises habitudes.

Effectivement, Doctor Strange laisse une première impression atypique, la sensation d'avoir assisté à un spectacle novateur de la part de Marvel, mais ce n'est que vrai, en grande partie, en ce qui concerne le visuel lié au personnage. Les "Sorciers" voltigent dans tous les sens - au gré de portails dimensionnels, de sorts sémiotiques et artefacts magiques - tout en façonnant la ville à leur façon, pour en faire un vrai labyrinthe sens dessus dessous. Les scènes d'action sont ainsi vertigineuses (et la 3D trouve sa pleine exploitation à ces moments), et rappellent par moment Matrix et, évidemment, Inception. Mais on peut aussi penser à quelques précédents films Marvel, comme la séquence dans le micro-univers de Ant-Man, la myriade de couleurs dans les Gardiens de la Galaxie, ou la traversée du portail dans Les Nouveaux Héros, pour toutes les scènes à l'imagerie cosmico-mystique, à l'instar du premier voyage initiatique de Strange, époustouflant. Néanmoins, tous ces effets spéciaux ne sont que fractales psychédéliques en CGI et, à côté, Scott Derrickson ne propose pas une mise en scène inouïe.

Certes, on garde un bon souvenir, même si parfois chaotique, de ce spectacle visuel très poussé pour un film solo et surtout d'introduction, cependant, le long-métrage ne cherche qu'à capitaliser sur ce point. Le rythme du scénario est très rapide, à tel point qu'à peine Strange présenté, on le retrouve déjà à faire son voyage initiatique à la Batman Begins, puis à combattre vaillamment des forces qui ont mis à mal des sorciers bien plus expérimentés que lui. L'histoire n'a que peu de temps morts, dans le but de garder un film constamment dynamique qui casse un peu les codes du récit des origines. Malgré tout, il reste ce sentiment d'un film filtré, formaté, avec des grands noms au casting contraint à des interprétations de seconde main. On apprécie Tilda Swinton dans le rôle de l'Ancien, et on regrette un Mads Mikkelsen vite expédié. Rachel McAdams passe vite aux oubliettes, tandis que Cumberbatch cabotine quelque peu pour assurer un Strange crédible mais tellement vite introduit que d'autres acteurs auraient tout aussi bien pu remplir la fonction. Notons Wong et Ejiofor, en second rôles sympathiques amenés à revenir dans le MCU.

Doctor Strange a donc tout l'air du film de commande, avec des yes men des deux côtés de la caméra. C'est un long-métrage qui joue principalement sa carte visuelle qui, effectivement, en met suffisamment plein les yeux pour laisser passer quelques autres tares comme ce casting sous-utilisé, pourtant composé de visages marquants, ou bien une direction artistique uniformisée, et un humour typique de Marvel (auquel la VF ne rend pas forcément justice). Même la présence de Michael Giacchino à la bande-son passe presque inaperçue, si ce n'est pour des envolées bien mieux maitrisées et moins pompeuses qu'à l'accoutumée. En fin de séance, il y a ce sentiment de film un peu bâclé, qui a surtout permis d'introduire toute cette mythologie magique longtemps refoulée pour pouvoir appréhender sereinement Infinity Wars, mais qui n'a pas forcément réussi à vraiment nous attacher à son héros principal.