Dodsworth
6.7
Dodsworth

Film de William Wyler (1936)

Les graines fertiles du mélodrame sont bien là, dans le terreau de choix d'un Wyler à ses débuts : l'histoire d'un couple de nouveaux riches américains en déliquescence, et en pleine prise de conscience de leur antagonismes profonds à la faveur d'un voyage en Europe hautement symbolique. J'aime beaucoup le personnage interprété par Huston père (Walter), avec sa mansuétude chevillée au corps, archétype du potentiel dramatique à travers les allers-retours incessants de sa femme entre lui et d’autres présences masculines, et aussi, dans une moindre mesure, le petit rôle de petit filou accordé à David Niven en amant intéressé.


Malheureusement, la portée d'un tel film s'arrête à la lourde limitation qu'impose sa structure, artificielle et répétitive, autour de la relation entre l'homme et la femme. Sur le principe, si l'on isole ses sous-parties, Dodsworth propose un portrait intéressant, celui d'une lente dissolution du couple, avec un côté fataliste et inéluctable du désamour. Mais dans sa volonté de lier cette inéluctabilité à une certaine difficulté dans la séparation, du fait des nombreuses années de vie commune qui se rappellent invariablement au couple, sous diverses formes, le film tombe à mon sens dans le systématisme et peine à faire ressentir cette notion-là, cette relation qui se défausse constamment. La relation avec cette femme divorcée, censée être le catalyseur d'une prise de conscience chez monsieur, est du même niveau d'artificialité, uniquement là pour être sortie à la toute fin — certes sur une très belle réplique : "love has got to stop someplace short of suicide".


L'arrivée de la lucidité aura été bien tardive, au terme d'une désintégration un peu trop signifiée, le long d'un parcours pas toujours très explicite du point de vue des motivations du protagoniste. Son attachement inconditionnel (pendant l'essentiel du film du moins) à cette femme aussi ouvertement égoïste, comme un confort de personnes matures qui n'avaient pas vu leur amour décrépir, résonne comme le fruit d'une contrainte (le code Hays) pas tout à fait contournée ou exploitée.

Créée

le 22 avr. 2020

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Morrinson

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