Le fait de travailler en ce moment en tant qu'étudiant en cinéma sur l'oeuvre d'Abel Ferrara, grand cinéaste américain indépendant et provocateur, m'a donné l'envie de me pencher sur l'une de ses toutes premières oeuvres, à savoir un OVNI bien particulier, à mi-chemin entre le cinéma gore de série Z et l'underground pur et dur.
"The driller killer" est en effet un film marginal (dans tous les sens du terme, d'ailleurs) racontant rien moins que le basculement dans la folie meurtrière d'un homme (interprété par Ferrara lui-même) se sentant incompris et isolé de tous face à la dure réalité de la vie. Comprenant qu'il est le seul à se trouver talentueux en tant qu'artiste-peintre, il va littéralement passer à l'acte en exterminant, à coup de perceuse électrique tout ceux qui lui passent à portée de main (les clochards, les prostituées, son employeur, etc).
En réalisant à ce film à maigre budget (et pour lequel il a eu toute la liberté du monde), Ferrara tenait déjà à mettre en lumière l'un des thèmes phares de son oeuvre à venir; à savoir la contamination d'un individu perdu et désemparé par le mal absolu, le tout dans une ville américaine (New York) gangrené par la pourriture, la misère sociale et l'odeur du sang.
Sorte de version urbaine et ultra-gore du "Massacre à la tronçonneuse" (1974) de Tobe Hooper, "The driller killer n'égale pourtant pas (loin de là) la qualité de cet illustre modèle. D'une part, Ferrara, de par le fait qu'il hésitait encore à ce moment-là entre une carrière de musicien et de réalisateur, réalise un film à la mise en scène fort brouillonne, ne sachant jamais trouver son chemin entre le film d'horreur gore de seconde zone et le cinéma de genre tendance "auteuriste". On passe ainsi d'une scène de meurtre d'une violence inouïe à une scène intime entre le héros et sa femme, occupé à parler de situation économique.
De plus, certains plans ne sont pas toujours très bien raccordés et sont parfois même franchement inutiles.
Vous devez certainement vous demander "pourquoi fait-il la critique d'un film qu'il n'a pas particulièrement apprécié ?". Eh bien, parce que, il faut croire que même dans certains films (pas tous évidemment) d'une qualité discutable, on peut trouver des éléments intéressants. C'est un peu le cas ici, il faut bien le reconnaître. Abel Ferrara, via ce petit film d'horreur fauché et ovniesque, parvient à imposer des thèmes personnels qui seront facilement reconnaissables dans les futurs grandes oeuvres à venir ("Bad Lieutenant", "King of New York", "The funerails") ainsi qu'une certaine efficacité à retranscrire l'enfer caché des grandes villes.
Bref, pas un grand film mais un OVNI qui mérite malgré tout d'être découvert. A réserver cependant à un public averti, de par l'extrême violence et les hectolitres de sang qui l'habitent, qui feraient franchement passer Tarantino pour un enfant de choeur à ce niveau-là.