Le cross processing pour les nuls
Nicolas Winding Refn est un jeune homme heureux : il est en train de devenir le Michael Mann ou le Ridley Scott 2.1. À l'instar de ses confrères, ce réalisateur est une quiche dans l'art de la direction des acteurs :c'est pour cela qu'il choisit des gueules plutôt que des performers. Il partage également la même affinité pour les éclairages léchés : il se paye toujours une pointure de directeur de la photographie (ici N.T. Sigel) , qui, tout heureux d'avoir carte blanche, pousse la dose jusqu'à atteindre la nausée. Winding semble découvrir un nouveau filtre After Effects tous les ans et il trouve ça tellement cool qu'il se doit de faire un film avec. Valhalla Rising était une collection d'images surcontrastées à l'extrême, Drive est un showcase du cross processing. C'est plaisant au début, mais ça devient très vite pénible : passez votre chemin si vous conchiez le jaune.
Mais bon, voilà ce qui se passe lorsque le fils des outils modernes à un vieil artisan : il a tendance à forcer la dose. D'habitude discret et extrêmement efficace dans les films de Brian Singer, Newton Thomas Sigel se fait bouffer par la technologie et nous assène une centaine de minutes qui vont vous filer une overdose de guimauve rétinienne. Eh oui, n'est pas Gaspard Noé qui veut... On en est même très loin.
Les acteurs, réduits ici à l'état de marionnettes conceptuelles – pas vraiment en fait, puisque, ce sont tous des tocards portés par leur physique gracieux (Gosling) ou disgracieux (Perlman)-, jouent des archétypes fatigués de personnages rabotés à l'extrême par Winding. Gosling est à peu près aussi charismatique que Ken, le mari de Barbie. On va rétorquer qu'il est tout en subtilité et en intériorisation, mais oui mais oui...
La mise en scène est poussive, c'était étonnant pour un film avec un titre pareil. Si vous aimez les poursuites en voiture, vous allez subir sur une énorme déception. Il y en a très peu, ce qui est frustrant car elles sont plutôt bien foutues. Là encore, les mêmes effets visuels et plans se répètent en boucle, pour devenir rapidement agaçants.
Quelques petites éruptions de violence, spasmodiques intenses, pètent le rythme nonchalant. Devinez quoi, passée la surprise de la première fois, on sent venir le reste. C'est de toute façon incongru, mais je fais confiance aux hipsters pour prendre cela comme un hommaaaaaaaage au cinéma d'horreur des années 80.
Bon, on ne va pas pleurer devant ce peu de sang, qui a le mérite de réveiller le spectateur de sa torpeur. De la violence mais pas de sexe, tout au plus aperçoit-t-on 2-3 paires de nichons en arrière-plan dans un strip-bar.
Drive est un film des années quatre-vingts, réalisé par un fan des années quatre-vingts, avec derrière lui le soutien de toute la cavalerie lourde de la post-production numérique. Ça permet de faire oublier la vacuité du scénario, les acteurs nuls et la bande-son électro aussi délicate qu'une liposuccion faite à la maison avec l'aspirateur Dyson© de belle-maman.
A mater cinq minutes si l'on veut comprendre ce qu'est le cross processing, à éviter si l'on a envie de voir un vrai film.