--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au septième épisode de la quatrième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_2_King_Crocs/2478265
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---


Après avoir fouillé dans mes vieux répertoires poussiéreux pendant plusieurs heures, et hésité pendant plusieurs jours, je me suis enfin décidée à l’appeler. J’étais terrorisée à l’idée qu’elle ne réponde pas, à penser découvrir que ma vieille amie à qui je devais ma vie (plusieurs fois d’ailleurs) ne m’aurait pas survécu. Mais elle a décroché le téléphone. C’était comme un petit miracle, d’entendre sa voix à nouveau, toujours aussi jeune, toujours aussi malicieuse et charmeuse. C’était comme si nous nous étions quittées la veille, et nous sommes restées plusieurs heures au téléphone avant que je ne lui propose de me rejoindre un soir pour regarder l’un de mes films avec moi. J’avais à lui parler sérieusement, mais je ne pouvais en dire un mot au téléphone. Si la mafia des suceurs de sang est capable de s’organiser un cycle dédié à la Cinémathèque, elle doit certainement avoir quelques agents également à l’écoute téléphonique, et aucun doute que mon numéro soit dans leurs petits papiers. Ça l’a intriguée, et puis le principe de regarder un film de vampire avec moi l’a séduite. J’avais déjà une idée du film que nous regarderions. C’était évident.
Pourtant, j’avais très peur de ce *Du Sang pour Dracula*. Là où j’avais laissé Paul Morissey l’année dernière, avec *Chair Pour Frankenstein*, évidemment lié à mon film de ce soir, et distant seulement d’un an, le monsieur allait très très loin dans le bizarre, dans le malsain et dans l’humour grossier, bien trop loin pour moi. Si ç’avait été sans mon invitée, j’aurais peut être passé mon tour pour Paul Morissey cette année, mais je connaissais son amour pour l’underground et le déjanté, alors j’ai fais l’effort d’en redemander. J’ai bien fait. Diable comme j’ai bien fait.
Premièrement il ne m’a pas fallu plus que les premières secondes de ce sublime plan d’ouverture pour tomber radicalement amoureuse du personnage principal. Bien loin des monstres mutants du film d’hier ou surpuissants de ceux des jours précédents, le vampire de ce soir est d’une fragilité délicate, beau, maigre, pâle, à fleur de peau, et, malheureusement, malade. Cette fragilité physique, émotionnelle et médicale nous incite immédiatement à porter envers lui toute l’empathie dont on est capable, et tant pis si cela doit se faire au détriment de quelques vierges effarouchées. Dans les faits, le scénario est assez bêta, posé sur une sorte de comique de répétition tordu dans lequel toutes les vierges dont dépend la vie du compte s’avèrent ne pas l’être, rendant ce dernier toujours plus mourant. Mais le tout est délivré dans un état de grâce si singulier et inattendu qu’on s’en retrouve suspendu au film, à attendre la réussite ou le trépas du fils de Dracula, en haleine. Le tout repose sur une savante alchimie, en équilibre sur une narration aux délicieux accents d’*Orgueil et Préjugés* ; un image granuleuse rappelant par moment la Hammer (qui me manque terriblement ce mois…) et une musique tout aussi inattendue que la réussite de ce film. Force est de constater qu’une constante du mois pour l’instant est ma façon de relever avec plaisir la qualité de la musique. Et si je l’ai entendue majoritairement rock depuis le début du mois, c’est contre toute attente Paul Morissey qui vient s’opposer à la tendance. Pourtant, avec Andy Warhol à la production et la scène underground New-Yorkaise comme entourage, il n’aurait pas été difficile pour lui de s’obtenir une bande son électrisante et efficace. Mais l’audace et la magie vient du pari -réussi- de choisir plutôt une bande-son mélodieuse et acoustique, d’une douceur et d’une délicatesse tout en accord avec le personnage principal. Inattendu mais magistral. Je retrouve un peu le Paul Morissey que je connaissais dans cette fin film dans la démesure, ponctuée de sang ketchup, de membres arrachés et de personnages tombant dans la démence. C’est presque rassurant.
Amusée par cette fin en contrepoint à la beauté surprenante du métrage, je me suis retournée vers mon invitée. Elle est d’autant plus émue que ce diable aux yeux clairs doit certainement lui évoquer certaines de ses connaissances. Cette visualisation du vampire fragile, irritable, incapable de se nourrir d’une viande qui ne soit pas humaine et agacé de la lumière du soleil semble se rapprocher bien plus de la réalité que tous ces démons à la force surhumaine prenant feu au moindre rayon de lumière ou explosant quand ils reçoivent un pieux dans le cœur. Mais elle n’a rien voulu me dire de plus. Bien qu’en dehors de l’organisation de la société vampirique, elle ne veut pas se poser en traître vis-à-vis d’eux en me livrant ses petits secrets alors que je m’apprête à entrer en guerre contre eux. Je ne peux pas lui en vouloir. Sa sagesse et son impartialité sont réputés depuis des siècles et lui valent sa grande longévité. Malgré toute la fraternité qui nous unit, elle ne peut pas trahir cette nature au risque de sa vie. Et puisque nous n’avons pas la naïveté de penser que notre rencontre de ce soir restera secrète, je prend la précaution également de ne pas lui dire grand-chose de notre stratégie. Comme ça, si jamais ses frères lui tombaient dessus et essayaient de la faire parler, ils constateraient bien vite qu’elle ne sait rien, et en concluraient peut-être que nos retrouvailles étaient innocentes.
Zalya
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le 24 oct. 2019

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