Après être allé voir le premier Dune en 2021, je n'étais pas très chaud pour aller voir le deuxième, mais je souhaitais pouvoir juger le tableau de ce diptyque réalisé par Denis Villeneuve dans son entièreté, dans l'espoir de ne pas complètement rester sur ma faim.

Comme nombre de spectateurices avant moi, je trouve que le deuxième volet est mieux rythmé, mieux équilibré, moins contemplatif aussi, que son prédécesseur. Et pourtant, il fait presque trois heures... qu'on ne voit pas tellement passer.

Si le premier film a servi de longue exposition, c'est dans le deuxième que réside la plupart de l'action. Le premier opus racontait la déchéance de la maison Atréides ; le second aborde leur revanche sur leurs ennemis jurés, la maison Harkonnen.

Le film regorge de moments épiques. Que l'on soit déjà familier avec la série ou pas du tout, la place n'est que rarement laissée à l'ennui, tant l'intrigue avance simultanément sur plusieurs plans, mais toujours de façon assez claire. La scène où Paul dompte son premier ver des sables figure parmi les meilleures.

Il faut reconnaître à Denis Villeneuve la maîtrise technique des effets visuels : l'image est d'une qualité léchée, tout le temps, et la sensation d'immensité du désert est bien retranscrite. La direction photo et le département effets spéciaux ont vraiment l'air de s'en être donné à cœur joie, peut-être même jusqu'à l'excès.

La scène dans l'arène des Harkonnen, où tous les personnages apparaissent complètement blanchis dans une atmosphère immaculée, ressemble presque à une pub Paco Rabanne tant le style visuel y est exagéré !

En outre, tout comme dans le premier volet, Denis Villeneuve nous ressort le "désert Hollywood" : les décors, costumes et accessoires sont de toute beauté, mais admettons qu'on n'a jamais vu une résistance clandestine du désert aussi propre, ni des palais souterrains aussi reluisants ! Qu'à cela ne tienne, au moins, on nous montre de belles images...

Le casting s'est encore une fois payé une brochette de stars, bien qu'elles ne soient pas toutes bien exploitées : la direction d'acteurs a, de mon avis, toujours été le point faible des films de ce réalisateur, avec des personnages souvent inexpressifs et une palette d'émotions limitée, ce qui rend parfois l'action un peu confuse ou ambiguë.

Timothée Chalamet commence à mieux cerner son personnage de prince rebelle et messie aux pouvoirs surnaturels, même si on a encore un peu du mal à l'imaginer en chef de guerre.

Je n'ai pas trouvé l'interprétation de Chani par Zendaya, qui tient cette fois un des rôles principaux, exceptionnelle. Elle souffre du même problème que Chalamet dans le premier film. L'utilisation à outrance des mêmes expressions ("Chani pas contente") ne transmet que très peu d'émotions aux spectateurices, ce qui donne l'impression d'un personnage plat comme une feuille de papier. Si l'intention était de montrer qu'elle et Paul tombent fous amoureux l'un de l'autre, c'est plutôt raté...

En revanche, deux rôles m'ont paru justes : Jessica Ferguson, la mère de Paul devenue Révérende Mère et intrigant pour que son fils devienne le Messie de Dune, et Florence Pugh, jouant la princesse Irulan réalisant peu à peu le piège politique qui l'attend, dans lequel elle tombe bien malgré elle.

Beaucoup de spectateurices se sont ému-es du Stilgar campé par Javier Bardem, utilisé comme ressort comique du film. J'avoue ne pas savoir s'il s'agissait là d'une volonté de Villeneuve, ou d'une pure coïncidence maladroite, mais en tout cas, le comique de répétition fonctionne à merveille avec son personnage, répétant "C'était écrit" ou "Lisan al-Gaib!" jusqu'à l'absurde.

Petit spoiler:

Lorsque Stilgar s'exclame "Lisan al-Gaib!" après que Paul terrasse Feyd-Rautha, tout le monde dans la salle de cinéma a explosé de rire. Coup de maître de Villeneuve d'introduire une réplique permettant de désamorcer la tension de la scène, ou bien inflexion comique involontaire d'une scène qui n'était pas censée l'être ? Difficile à dire...

Les Harkonnen, quant à eux, sont toujours aussi peu subtils. Tout de noir vêtus, crânes rasés, troupes marchant au pas en formation militaire... Le parallèle avec les nazis et autres fascistes n'est même pas évident, il nous est jeté au visage comme une tarte à la crème ! Avec des Fremen rebelles vraiment très gentils, et des Harkonnen vraiment très méchants, Denis Villeneuve pousse les potards du manichéisme à fond la caisse, et c'est un peu dommage.

Quant au Feyd-Rautha joué par Austin Butler, il s'agit certes d'une amélioration comparé à celui interprété par Sting chez David Lynch (difficile de faire pire), mais on a du mal à percevoir ce qui pourrait rendre cet adversaire, censé être une brute psychopathe et le membre le plus prometteur de la famille Harkonnen, suffisamment charismatique pour tenir tête à Paul. Tout comme dans le Dune de David Lynch, ce personnage, souffrant d'un manque général d'exposition et de présence à l'écran, n'arrive pas à se créer une aura assez puissante pour générer de véritables scènes d'anthologie. Son duel avec Paul, si le suspense y est pourtant maîtrisé, ne transcrit pas tous les enjeux et la tension qu'il devrait inspirer.

Par ailleurs, notons les apparitions de Christopher Walken, criminellement sous-exploité en empereur galactique dépassé par les évènements, ou Léa Seydoux, à deux doigts de faire de la figuration...

Quant à la musique, c'est du Hans Zimmer, voilà, vous savez tout. Il n'y a absolument aucune surprise, c'est propre et réglé comme du papier à musique, mais tout comme dans le premier volet, rien dans la musique ne donne à ce film un caractère unique et immédiatement reconnaissable. L'habillage sonore fonctionne, donc, mais bien peu de choses permettront de le distinguer des milliers de films prenant place dans le désert ayant été réalisés avant celui-ci.

Dune - deuxième partie compte donc parmi ce qui se fait de mieux dans les superproductions hollywoodiennes actuelles, une adaptation sans fioritures et plutôt fidèle à l'œuvre de base, qui réussit à surpasser la première partie ainsi que les tentatives précédentes. Mais son manque cruel de supplément d'âme le rendra malgré tout un peu oubliable, exactement pour les mêmes raisons qui ont fait que Blade Runner 2049, du même réalisateur, n'aura pas su dépasser l'original.

Les fans de la première heure vont sûrement adorer, mais les autres resteront sans doute un peu perplexes en se demandant ce que cette histoire a de si génial... Et c'est dommage !

Scylardor
7
Écrit par

Créée

le 10 mars 2024

Critique lue 38 fois

Scylardor

Écrit par

Critique lue 38 fois

D'autres avis sur Dune - Deuxième partie

Dune - Deuxième partie
blobyla1
7

Du grand et beau cinéma, malgré tout.

Ce qui m'a toujours fasciné chez Denis Villeneuve, ce sont ces réalisations impressionnantes, cet impossible projet dans le regard de son objectif, qui soudainement se transforme en une vision du...

le 4 mars 2024

174 j'aime

2

Dune - Deuxième partie
Yoshii
5

Ensablement d'un blockbuster d'auteur

Denis Villeneuve est probablement un garçon bien élevé, un être poli, qui s'est fait un devoir de satisfaire ses contemporains. C'est d'ailleurs ce qu'il s'applique brillamment à réaliser depuis...

le 28 févr. 2024

155 j'aime

19

Dune - Deuxième partie
Plume231
3

Épices sans goût !

Alors, je ne sais pas si c'est le cinéphile que j'étais en 2021 qui était nettement plus indulgent que celui que je suis en 2024 (j'ai trop la flemme et trop d'autres films à visionner pour le...

le 28 févr. 2024

114 j'aime

61

Du même critique

Tokyo Godfathers
Scylardor
7

Drôles de parrains

Un conte de Noël par Satoshi Kon, forcément ce ne sera pas une histoire comme les autres ! On narre ici la quête d'un groupe de trois vagabonds urbains lorsqu'ils découvrent, au détour d'une ruelle...

le 1 janv. 2022

1 j'aime

Dune
Scylardor
6

Pas assez épicé

Quel immense défi que s'est lancé Denis Villeneuve quand il a décidé de tourner une nouvelle adaptation cinématographique de la saga Dune... Pilier incontournable de la littérature de science-fiction...

le 22 nov. 2021

1 j'aime

Roujin Z
Scylardor
9

La vieillesse est un naufrage technologique

Roujin Z est un film au sujet d'une thématique encore importante de nos jours : comment la société moderne et néolibérale conçoit le service à la personne âgée, notamment en terme de suivi médical et...

le 16 oct. 2021

1 j'aime