Encore un film inhumain et bidon de ce prétentieux médiocre.

Difficile d’aller plus loin dans un cinéma en apparence ambitieux, en réalité complètement inhumain et bidon.


Très vite, on comprend qu’on ne saura rien des personnages.


1) Sur terre, on suit un soldat, puis deux, qui pour survivre vont enfreindre les règles mises en place par l’armée pour le retrait : ils transportent un blessé dans un brancard, ce qui leur permet d’exiger le passage dans la foule des soldats attendant d’embarquer. Cela ne marchera pas, alors ils se cacheront, puis trouveront encore le moyen de prendre la place d’autres soldats dans un bateau, brefs deux sales cons égoïstes. Tous les soldats sur la plage veulent survivre mais eux veulent survivre avant les autres. Mais presque rien n’exprime leur peur. Pourquoi se sentent-ils le droit de faire ce qu’ils font ? Ont-ils des remords ? Vu la tête qu’ils tirent à la fin dans le train, c’est possible, mais cela peut tout aussi bien être l’angoisse d’être rejeté par la population comme l’un d’eux l’exprime. Il y a quelques officiers, dont le pauvre Kenneth Branagh à qui on a dit : tu te places sur la digue, tu fais deux mètres en avant, un en arrière, tu dis « Home » avec un sourire béat et c’est bon. A la fin, pour que James D’Arcy te regarde avec admiration, tu restes en France, c’est tellement beau, un sacrifice dont on ne comprend pas l’utilité.


2) Sur mer, c’est moins pire. Un homme âgé part avec deux adolescents et l’un, pour justifier sa participation au sauvetage des soldats, dira qu’il voulait faire quelque chose de sa vie, parce que tout le monde le trouve nul. Le conducteur du bateau part pour accomplir ce qu’il estime être son devoir.


3) Dans les airs, c’est bien pire. On voit les visages de deux pilotes d’avion pendant, quoi, trois secondes avant qu’ils ne mettent leurs masques et leurs grosses lunettes. Pendant tout le reste du film, ils ne s’échangeront que des informations factuelles par radio, alors même qu’un troisième copain est mort presque sous leurs yeux. Ils ne parleront pas non plus à voix haute, pour eux-mêmes. Le stress, la peur, la douleur, l’envie de vengeance, le désir de protéger (les soldats à la fin sur la plage), on n’en saura rien.


L’absence de personnages (au sens classique) n’est pas en soi problématique et on y est habitué dans le cinéma moderne non classique (Yoshida, Oshima, Jancsó, Angelopoulos). Mais dans ce cinéma, ils ont des fonctions idéologiques, politiques, parfois des idées métaphysiques (Tarkovski) et on a droit à un sens autrement plus complexe, parfois à un mystère entourant tout le film. Ici, il n’y a absolument rien de tel, on reste dans un film de fiction narratif traditionnel. Si on n’a pas de personnages, on aura peut-être des péripéties ? Eh bien non, on n’aura que de l’action. Et, entre parenthèses, filmée souvent de manière extrêmement banale, en plans assez serrés avec un seul personnage à l’écran, donc avec un souci de composition à peu près nul.


Dans La Fabrique du cinéma, Alexander Mackendrick résume parallèlement Cendrillon, Hamlet et Le Voleur de bicyclette (de manière un peu absurde dit-il) pour mettre en évidence des similitudes fortes dans les histoires. Elles comportent des protagonistes, des antagonistes, une situation problématique, un évènement déclenchant l’histoire, des obstacles, des péripéties inattendues, des intrigues secondaires, de l’ironie dramatique. Dans Dunkerque, les trois histoires sont très loin de suivre ces modèles : le vrai problème du film est la pauvreté du développement dramatique.


1) Sur terre : c’est l’histoire qui occupe le plus de métrage et qui est la plus développée. Les sales cons du début se retrouvent dans un bateau qui se fait torpiller, donc retour à la plage. Ils sont rejoints par d’autres sales cons et se cachent tous dans un bateau abandonné sur la plage, espérant prendre la mer quand la marée sera haute. Ils sont tous dans la coque quand on leur tire dessus. Ils s’engueulent violemment pour savoir lequel d’entre eux va monter sur le pont pour savoir s’il faut sortir. On aura alors droit à un conflit sans intérêt : l’un des plus enragés dit c’est Untel qui va y aller parce que c’est un espion allemand et c’est un espion allemand parce qu’il n’a pas dit un mot. En fait c’est un Français, ce qui n’a toujours pas d’intérêt. Ils prendront finalement l’eau, dans un bateau plein d’impacts de fusil, admettons…
Ici, on a des péripéties, d’une certaine manière inattendue (le bateau plein de trous), mais d’une autre manière, très attendues. Les fuyards sont coincés sur la plage et pour fuir, il n’y a pas d’autre choix que de fuir en bateau, donc tout bateau devient susceptible de devenir leur moyen d’évasion. On n’est jamais surpris qu’ils essaient ce moyen à trois reprises… Qu’est-ce qui peut justifier l’angoisse particulière de ces soldats ? Le fait qu’ils craignent d’être tués sur la plage. Mais on voit en tout et pour tout trois avions allemands dans le film, alors s’ils font en effet des morts, ils ne vont pas tuer à eux trois 400 000 hommes, donc cette situation vague affaiblit la nécessité de leurs actions.


2) Sur mer : la première péripétie est le sauvetage d’un homme tout seul sur son bateau retourné (qui a singulièrement grandi depuis qu’il était monté dessus mais c’est une autre histoire). Il est durablement choqué et va causer la mort accidentelle du jeune garçon qui voulait prouver sa valeur à son entourage. Il mourra avant d’avoir fait quoi que ce soit pour les soldats anglais. Quel est le sens, la valeur de cette sous-intrigue ? Surtout que son ami fera mettre son nom dans un article du journal local qui le cite en héros, de façon presque totalement mensongère, et avec l’approbation du père. Une sous-intrigue faussement dramatique et vaine.
Par ailleurs, le bateau de plaisance fait le lien entre les histoires, en sauvant un pilote abattu qui a amerri et de nombreux soldats torpillés qui se sont retrouvés dans l’eau. Le bateau de plaisance est parti pour sauver des soldats et il sauve des soldats comme prévu. Pour le pilote, sans qu’on puisse le prévoir, ce n’est pas une vraie surprise. Des surprises, il n’y en a aucune. Des difficultés non plus : des soldats sont dans l’eau, on les repêche et voilà.


3) Dans les airs : quelle est l’objectif des pilotes anglais ? Abattre des avions allemands. Mais c’est encore décontextualisé. On sait quels dégâts un avion allemand peut faire, mais si les pilotes ne mènent pas à bien leur mission, à quel point est-ce dangereux ? Combien d’hommes risquent de mourir ? A quel point cela peut-il retarder le retrait, voire l’empêcher ? Surtout qu’avec trois avions allemands et trois avions anglais, l’importance de la lutte aérienne en prend un coup...
Dans cette partie on ne voit que des avions se poursuivre et se tirer dessus, avec tout l’arbitraire et le risque imaginable, car il n’y a aucune stratégie de la part des pilotes, qui agissent indépendamment les uns des autres. Cela va durer tout le film, sans qu’il n’y ait de péripéties surprenantes, de développements inattendus. Durant toute cette histoire, deux pilotes atteindront leur objectif. Pour cela, ils auront en effet tiré sur les avions ennemis, comme on le pensait. Le sauvetage de l’un des pilotes, faisant le lien avec l’histoire sur mer mais qui ne bouleverse en rien…


Dans ce bazar sans intérêt, on voit plusieurs scènes sous différents angles mais cela n’a aucun intérêt dramatique, car jamais il ne s’agit d’une suite d’actions reliées par la causalité, c’est bien plutôt le hasard qui réunit les trois histoires et aucune ne perturbe profondément les autres. On est très loin de Sully, où on comprenait un peu mieux à chaque fois le déroulement de l’accident et les réactions de chacun, et on est bien sûr encore plus loin de La Comtesse aux pieds nus avec la double scène de la gifle, dont les retours en arrière expliquaient tout et lui donnaient une puissance incontestable.


Le choix du retrait de Dunkerque comme histoire est surprenant. On sait le metteur en scène attaché à une action violente très présente dans ses films, or il choisit justement ici une opération qui n’est en rien une attaque militaire contre l’armée allemande, donc il est dès le départ privé d’une action historique violente (contrairement à tant de films anglais ou américains qui se concentrent sur une opération ou une bataille précise). Il va cependant trouver le moyen d’en mettre, jusqu’à satiété et même écœurement.


1) De l’action, il n’y aura que cela dans l’histoire dans les airs.


2) Sur mer, il n’y en a pas avant les sauvetages (mais comme c’est le clou du film, ils ne peuvent pas se produire dans la première moitié du film), alors il créé cette histoire sans intérêt, quoique peut-être authentique, du soldat choqué meurtrier d’un enfant. Comme ça, il y a au moins quelqu’un qui crève bêtement dans cette histoire aussi.


3) Sur terre, le réalisateur veut raconter ce qui concerne les soldats anglais sur la plage attendant d’embarquer. Là aussi, il faut de l’action violente. Si les personnages ne font que passivement tenter d’échapper aux tirs allemands, c’est ennuyeux, alors il invente ces personnages (même si le mot est grand) de sales cons qui se démènent et font avancer l’histoire sur la plage eux-mêmes, au prix de problèmes éthiques (pas passionnants) dont le metteur en scène se contrefiche. Et surtout au prix de la perte totale de réalisme. D’une part parce que les quelques soldats ne risquent pas de représenter l’ensemble des soldats anglais, qu’on voit à quelques reprises sagement rangés en file indienne pendant des heures. D’autre part, parce qu’il évacue ce qui a nécessairement aussi été le quotidien de ces soldats pendant cette semaine : l’attente, l’ennui, les discussions, les plaisanteries (de militaires en plus) entre deux assauts de l’aviation allemande. Le film a beau annoncer « une semaine » pour la durée de l’histoire à terre, on a plutôt l’impression d’une journée ou deux bien remplies et c’est tout. Il fait son petit malin avec les trois durées mais ça ne prend pas.


En ce qui concerne le réalisme, c’est encore pire. Le film est toujours à hauteur de personnage et n’a aucun recul, aucune vision d’ensemble. L’opération Dynamo paraît une réussite remarquable mais rien dans le film n’explique pourquoi les armées se sont finalement fait piéger à Dunkerque, les grandes lignes de l’opération, ce qui l’a rendue possible. Cela aurait été pourtant fort intéressant, car peut-être qu’au sein de l’état-major tout le monde n’était pas d’accord : on aurait vu les différentes options, les choix stratégiques possibles… on ne connaît pas non plus le pourcentage de pertes…


Le réalisateur refuse donc de traiter ses personnages autrement que comme des corps ou comme des animaux, qui eux aussi cherchent à survivre, sauver, tuer. Il choisit un épisode militaire sans véritable histoire qui lui laisse les mains libres, mais ne parvient qu’à donner une suite de scènes d’action sans organisation dramatique valable. Un film inhumain et bidon de plus dans la carrière de ce médiocre prétentieux.

Totof
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le 14 août 2017

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