Loin d'être un film intellectuel et poseur sur le passage à l'âge adulte, "Eden" est avant tout le récit d'une sensation. Celle tout d'abord d'être pris dans un mouvement, une ferveur, une époque : toute l'histoire de la French Touch est fidèlement retranscrite ici, du début des 90s à nos jours. Celle, ensuite, du monde de la nuit. La bande son garage-house parfaite nous accompagne dans une (re)plongée réaliste et viscérale dans les premières raves sauvages, puis les soirées Cheers et Respect, jusqu’à l’avènement mainstream des Daft Punk. Le film est une réelle expérience physique : on sent son coeur qui s'accélère à l'arrivée devant le vigile, la tension qui monte, les basses qui s'excitent, l'euphorie quand la fête bat son plein, l'énergie qui redescend, mais les jambes qui nous portent encore à 5h quand le DJ passe "notre" chanson, les acouphènes de fin de soirée... Et surtout la rechute brutale du lendemain.

Car un jour, on se réveille et on se rend compte que les autres ont réalisé depuis bien plus longtemps que vous que tout ceci n'était qu'un rêve, une belle époque éphémère. Cruel et tendre à la fois, "Eden" est l'anti-film d'apprentissage par excellence. Le héros ne tire ici aucune leçon de ses expériences et erreurs passées pour se dessiner un avenir meilleur. Il est condamné à rester toute sa vie nostalgique de cet âge d'or qu'il a vécu sans poser de question. Aucune morale à retenir ici, à part peut-être qu'il vaut encore mieux profiter de l'instant présent, car la fête finit bien assez tôt.

Le parti pris de n'utiliser la scène French Touch qu'en toile de fond de l'histoire de Paul - alter-ego de Sven Love - aurait été plus pertinent si sa personnalité avait été un peu plus approfondie. Le fait qu'il reste un DJ de second plan n'empêchait pas de fouiller un peu plus son personnage de cinéma et de le rendre plus ambigu et attachant. Même si sa mélancolie et son échec nous touchent, il reste tout de même un peu fade et il aurait été intéressant de développer le contexte musical de l'époque (Daft Punk sous-exploités malgré un Vincent Lacoste toujours excellent) pour contrebalancer l'apparente superficialité du héros. En fait, nous aussi, on aurait voulu pouvoir continuer la fête avec eux.
JuliaR1
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le 29 nov. 2014

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