J’ai eu la chance de ne rien savoir sur ce film avant de le visionner pour la première fois.
Au début, je ne savais même pas comment l'appréhender. C’était lent, la place accordée aux histoires, au développement des personnages, me semblait trop mince.

Mais ce film ne retrace pas une histoire. C’est une photographie mouvante de jeunes destins, qui se croisent dans les couloirs d’un lycée américain.
Les premières minutes introduisent ce que je pensais au départ être un « style » : de longs plans-séquence où l’on suit successivement John, le lumineux blondinet de l’affiche, Elias, un jeune photographe amateur, Carrie, Jordan, Nicole, Alex, Eric, et d’autres, tous joués par des acteurs amateurs plus vrais que nature.
Et puis, à force de voir les situations se répéter, je compris la raison d’être de ce choix des plans séquences. Van Sant effectue ici un remarquable travail sur le temps : il s’approche au mieux de la durée réelle en oubliant les raccourcis. Mais surtout, par cette multitude de points de vue subjectifs il rend compte non pas d’une fatalité, mais de l’enchaînement naturel des événements, de la société actuelle, et humanise un fait divers bien trop courant dans le pays des armes en libre-service. Il ne donne pas d’explication, simplement des clefs. (Un reproche à faire serait de montrer les jeux vidéo comme pouvant mener à la violence.)
La Lettre à Elise retentit sur le terrain de sport, et on découvre celui qui la joue sur un piano, dans sa chambre. La caméra s’attarde sur le visage d’Elias qui développe ses négatifs, et il croise la fille « trop laide », impopulaire, la première à mourir ; cette fille qui était moquée par un groupe de pétasses qui mourront dans les toilettes où elles se faisaient vomir pour rester fines.
John ouvre et clôt le film ; John qui tente mollement d’agir, de contrôler son père, d’empêcher les élèves de rentrer, alors que bientôt il entendra les bombes et verra la fumée.

Chaque parcours, chaque détour dans les couloirs vides, mène à ce terrible moment où tout va déraper. Car Elephant sait prendre son temps, mais peux aussi frapper.

Comme une balle en plein cœur, phrase inachevée.

Comme le flash d’Elias, moment d’horreur capturé.


Mais malgré tout ça, j’ai eu beaucoup de mal à rentrer dans le film. Certaines scènes sont très longues, trop longues, et le final ne me fait pas oublier à quel point j’étais perdue dans un vague ennui au début. Pourtant ce film marque incontestablement. Pas autant que Will Hunting ou My own private Idaho, cependant.
Il ne me reste plus qu’à voir Gerry et Last Days qui formeraient un triptyque avec Elephant. En espérant que l’expérience sera aussi, voir plus transcendante que celle que j’ai vécue avec ce film.


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Polytechnique : http://www.senscritique.com/film/Polytechnique/critique/38271957

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le 25 juin 2014

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Lucie L.

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