Impossible de ne pas comparer avec la version à venir. Si il y en a une à voir, ce ne serait pas celle-là, mais la vision des deux est des plus passionnantes. Très peu de choses du scénario ont été changées: des détails de dialogues ou autres, et quelques scènes ajoutées dans la version couleur. La différence se fait aussi sur des infimes détails, bien que la direction d'acteurs, leur jeu, leur présence et leur charisme ne soient pas une chose infime, loin s'en faut dans ce genre du mélodrame.
La précision de la mise en scène est déjà redoutable ici. Mais il fera encore mieux en 1957, par l'équilibre des scènes les unes par rapport aux autres, dans la manière dont elles communiquent entre elles. On sent même le besoin qu'il a pu avoir de refaire avec la couleur une histoire qui ne demandait qu'à être enflammée.
Mais la puissance de la version couleur tient, pour moi principalement, à la scène chez Janou. Elle retourne totalement le film, elle lui creuse une ombre (enchantée) dans ce qui n'était parti que pour être une comédie enlevée et légère, elle en refait un nouveau début (et c'est presque aussi savoureux et étourdissant que le milieu de Vertigo, quand un second film nous est offert en prime !!!). L'effet de retournement tectonique est ici moins flagrant; le contraste entre l'entame du film et cette scène est moins puissant, moins travaillé, moins amené et la scène avec Janou un peu plus courte, bien que toujours aussi étonnante par sa tonalité où le calme des lieux semble se répandre à l'intrigue elle-même, qui a des airs de repos, de temps arrêté par le coup de foudre entre la grand-mère et la jeune femme.
Cela tient aussi aux acteurs, Boyer est moins convaincant tant comme séducteur casanovien que comme petit fils amoureux lui aussi de sa grand-mère. Pour y croire, nous avons besoin de plus de ce sentimentalisme un peu appuyé, bien que doux et parfaitement à sa place dans cette scène. (il ne l'est pas toujours dans d'autres parties du film - 1939 comme 1957 à mon goût, mais un spectateur interprète aussi et peut passer un voile discret sur certains points qu'il trouve faible, surtout lorsque des compensations sont pléthores.)
Voilà pour cette scène de clairvoyance religieuse (et chiromancienne), où Janou entrevoit en un clin d'œil ce qu'ils ignorent encore.. où elle va les marier par procuration post mortem. Là encore, la Janou de 1957 a des accents plus complets, qui tiennent peut-être à la couleur de paradis (ou de fleurs mortuaires) et au développement plus progressif de la scène.

JM2LA
8
Écrit par

Créée

le 19 sept. 2015

Critique lue 292 fois

1 j'aime

JM2LA

Écrit par

Critique lue 292 fois

1

D'autres avis sur Elle et lui

Elle et lui
Sergent_Pepper
7

Le mélo dit du bonheur

Double concentré de mélo, Elle & Lui commence avec légèreté. On est riches, sur un bateau, le temps nous appartient et l’on disserte sur ses infidélités au champagne rosé. Boyer, à l’accent français...

le 9 août 2014

18 j'aime

Elle et lui
Torpenn
7

Ah !... Boyer !

Version originale d'Elle et Lui, par McCarey, déjà... Pour ceux qui ont vu la version avec Cary Grant, sachez qu'il n'y a pas de technicolor, mais que sinon, c'est la même chose. Ah, pas tout à fait,...

le 9 févr. 2011

13 j'aime

13

Elle et lui
JeanG55
10

Love affair

Heureux, je suis ! Grâce à un de mes éclaireurs (June), j'ai pu revoir ce satané "Elle et lui" de 1939 qui m'attendait sur You Tube (sans que je le sache). Je ne l'ai vu qu'une fois à la télé, il y a...

le 4 avr. 2024

11 j'aime

7

Du même critique

Le ciel est à vous
JM2LA
10

Le plus pur chant du cinéma occupé

Revu récemment le 6 juillet 2011 sur écran d'ordinateur mais surtout le 18 et le 20 mai 2014, en salle. Toute la grandeur du film ne m'est apparue d'ailleurs que sur grand écran... en projection...

le 12 sept. 2015

12 j'aime

Le Plein de super
JM2LA
9

Critique de Le Plein de super par JM2LA

Film masculin au possible, proche de la grossièreté souvent et pourtant porté par la grâce du jeu... Cavalier réussit un pari unique, celui d'une collaboration étroite avec ses acteurs qui, si mes...

le 2 oct. 2015

11 j'aime

Le Fils de Joseph
JM2LA
9

La main de la comédie a retenu celle de la tragédie : miracle. Et le style a suivi la main.

La vraie comédie est-elle évangélique ? C'est ce que semble prouver (ou vouloir montrer) le Fils de Joseph. En quoi ? En résistant à l'appel du meurtre, du règlement de compte. Comment ? Au lieu de...

le 8 mars 2016

10 j'aime

1