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Rodrigo (Nahuel Pérez Biscayart, argentin qui vit en France depuis 10 ans et qui crevait l’écran dans 120 battements par minutes (Robin Campillo – 2017)), travaille comme patron d’une vaste exploitation agricole en Uruguay. Il est un peu pris par le temps pour faire la récolte du soja. Pour régler son souci matériel, il va trouver un nommé Lacuesta qui a souvent travaillé avec sa famille (son père en l’occurrence). Lacuesta lui présente son fils, Carlos (Cristian Borges), jeune homme de 18 ans et papa d’une petite fille dont la mère (Fátima Quintanilla) doit avoir le même âge que lui, peut-être même un peu moins. Chargé de famille, Carlos a besoin de travailler, mais il n’a pas le permis pour conduire un gros tracteur. Entre vieilles connaissances, on se comprend et Rodrigo engage Carlos qui se montre à la hauteur de la tâche. Un collègue le prévient qu’il doit faire attention à un fossé qui pourrait se révéler particulièrement dangereux.


La première partie, assez lente, permet au réalisateur (l’uruguayen Manuel Nieto Zas) de mettre en place la situation qui l’intéresse, à savoir cette relation employé/patron annoncée par le titre. En effet, il met en parallèle les situations de Rodrigo et Carlos, tous deux jeunes papas, avec Carlos employé de Rodrigo. On sent constamment la différence de classe sociale entre les deux. Carlos cherche à subvenir aux besoins de sa petite famille, alors que Rodrigo se soucie autant de la santé de son bébé que de son travail. A noter qu’il n’est pas son propre patron, puisqu’il rend des comptes à quelqu’un au-dessus de lui : son propre père, avec qui il discute en français. Rodrigo vit avec la séduisante Federica (Justina Bustos) qui affiche une assurance bien supérieure à la compagne de Carlos. On sent la différence de moyens financiers des deux couples par leurs activités et préoccupations. Rodrigo fait pas mal de kilomètres au volant de sa voiture pour son travail et au début il rentre même du Brésil, petite concession du réalisateur qui travaille grâce à une coproduction entre Uruguay, Brésil, Argentine et France. Rodrigo a quelques soucis à la frontière parce qu’il se fait surprendre avec ce qu’il transporte comme stupéfiants pour son usage personnel. Quant à Carlos, il ne rêve que d’une chose, participer à un raid à cheval, course classique qu’il considère qu’il pourrait gagner si on le laissait monter le cheval de son choix. Carlos comme sa compagne et toute la famille Lacuesta sont passionnés par les chevaux.


Troisième film de son réalisateur, après La perrera (2006), primé à Rotterdam et El lugar del hijo (2013), présenté au Festival de Toronto et primé à La Havane, Employé/Patron a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes 2021. Le film s’intéresse à la vie en dehors des villes, ainsi qu’à l’évolution des relations sociales en Uruguay (thèmes de prédilection du réalisateur). Grâce à un casting qui mêle professionnels (du côté des patrons) et non professionnels (côté employés), il met en évidence la criante différence de chances qu’ils ont dans la vie (voir le destin de leurs enfants respectifs), sans que cela crée le moindre souci à l’écran. Amusant quand même, on devine la sympathie de Manuel Nieto Zas pour le camp des employés, alors qu’en tant que réalisateur, lui-même se situe forcément dans celui des patrons. Le film met en lumière la façon dont les relations s’établissent et évoluent. Ainsi, Carlos se révèle d’une grande droiture, car il reconnaît ses erreurs et ne demande jamais de réparation financière concernant le préjudice subi. Ce qui ne l’empêche pas de profiter de la situation à sa manière, pour participer malgré tout à la course qu’il rêve de remporter. Du côté des femmes, la confrontation est plus difficile, peut-être parce qu’en tant que mères, elles ressentent plus dans leur chair les injustices subies par leurs rejetons. On sent qu’il ne faudrait pas grand-chose pour que la tension qui s’instaure aboutisse à une relation vraiment malsaine. C’est un peu la faiblesse du film, car le réalisateur se contente souvent d’allusions et d’ellipses. C’est bien vu lorsque cela incite le spectateur (la spectatrice) à rester attentif(ve), mais un peu décevant quand on comprend qu’il n’explorera jamais certaines problématiques en profondeur (désir de vengeance, raisons d’un éventuel procès, etc.) Par contre, ce qu’il filme de son pays en donne un aperçu parfaitement crédible (même s’il montre avant tout les campagnes, alors que 80 % de la population est concentrée à Montevideo), profitant des allées et venues de ses deux personnages principaux pour montrer les paysages où ils évoluent.

Electron
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le 5 avr. 2022

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