Après Incendies et Prisoners, Villeneuve nous ressert un thriller énigmatique dont il a le secret, entre une totale perte de repères et des évidences glaciales. Et pourtant, aucun des films ne se chevauche, évidemment des liens peuvent être créés, mais Villeneuve se renouvelle constamment et on en redemande !
Enemy est l'histoire de ce prof d'université qui partage ses nuits avec une femme détachée et qui, du jour au lendemain, découvre son double parfait, acteur, marié et bientôt papa. D'abord curieux, il tente de le rencontrer, mais il va vite se rendre compte de son erreur quand son double éclatant est menaçant pour l'équilibre précaire de sa vie insignifiante mais où il n'a de comptes à rendre à personne.
Adam, c'est cet homme qui a peur de son miroir et qui un jour n'a d'autre choix que se regarder dedans. Son reflet lui crie dessus et soulève en lui tous les reproches, les peurs, les erreurs qu'un homme reconnaît lorsqu'il se trouve confronté à lui-même. S'il peut cacher ses craintes et regrets derrière le masque qu'on porte tous en société, il arrive à un point où se mentir à lui-même devient impossible, jusqu'à en perdre sa santé mentale.
Encore une fois, Villeneuve, à grand coups de symboles et de choix de mise en scène très personnels (la lumière notamment est très bien gérée) crée chez le spectateur plus de questions que de réponses. Fidèle à lui même, son film est une invitation à la réflexion pour le spectateur, et reste en tête tellement son propos est multiple. Je l'ai visionné trois fois à l'écriture de cette critique, et chaque fois, j'en tire de nouveaux éléments de réponse, mais aussi de nouvelles questions. Et c'est un vent frais dans un cinéma de plus en plus codifié et convenu : laisser des questions en suspens est le meilleur moyen d'impliquer le spectateur.
Enemy est un appel à la réflexion et plus largement à la philosophie : la torture d'Adam face à lui-même est la nôtre, c'est celle d'un homme qui évolue dans une société où il essaye de retrouver les valeurs qui font de lui ce qu'il est, mais aussi de combattre ses vices qui le rongent. La dernière scène du film, qui répond à la première, montrent bien que l'homme est un équilibre entre bien et mal, et cela sans pouvoir y mettre un terme.

Habilement, Denis Villeneuve se constitue une filmographie cohérente et riche, et impose son nom dans le milieu du cinéma comme un chemin à emprunter : celui de l'introspection personnelle et de la remise en cause de nos valeurs.
pierrecomm
8
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le 17 nov. 2014

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pierrecomm

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