D'abord, visuellement, c'est simple, ça n'a jamais été fait. Dans les FPS, on parle beaucoup de « body awareness », et bien ça n'existait pas avant Enter the void ; dans la première demi-heure, l'impression d'être dans la tête du mec va au-delà de tout entendement, du moindre mouvement de la tête, aux clignements d'yeux, aux mains qui s'approchent pour jeter de l'eau sur le visage... les monologues intérieurs sont réussis comme dans Seul contre tous, on est vraiment dans la tête d'un mec perché. Et le trip sous DMT, ha ha ha. Bordel. C'est la première fois qu'on filme un trip hallucinogène puissant de manière aussi réaliste, d'ailleurs Noé l'a fait comme ça : « je ne comprends pas pourquoi personne n'a jamais montré ce que l'on voit quand on prend ces produits-là. » Pareil, la scène sous LSD est une vraie scène sous LSD ; on peut maintenant jeter les délires de défonce de Easy Rider ou ceux de Las Vegas Parano qui font trop carton-pâte, le film de Noé, c'est de la sensation pure et absolue. Le film terminal sur la drogue.

J'ai été agréablement surpris par la mise en situation du scénario dans tout ce délire. Beaucoup décrivaient une œuvre labyrinthique et longue ; ce dernier reproche est sans doute mérité sur quelques scènes pas si nombreuses qui ne sont pas non plus indispensables — et les talents d'actrice, pas toujours au top, de Paz de la Huerta, sont hélas à mettre en cause. Malgré tout, c'est simple à suivre, car Noé fait la politesse au spectateur d'en décrire toutes les phases dans son introduction (sortie du corps, visite du passé, messages aux proches, etc.), du coup on n'est jamais vraiment perdu dans une bouillie mystique ou conceptuelle, c'est limpide et touchant. Il y a un peu de psychanalyse de comptoir, sauvée par des moments de génie (les deux scènes primitives) et par un symbolisme explicite : il n'y a pas de phallus chez Noé, il y a des bites.

Donc voilà, allez-y pour vous prendre l'expérience visuelle et sonore de votre vie, oubliez toutes ces conneries d'Avatar, ça ne tient pas la route esthétiquement. Ah, et évitez l'abus de stupéfiants avant le film, c'est le bad trip assuré.

Bref, encore une preuve qu'une œuvre n'a pas besoin d'être parfaite pour être géniale.
Aliocha
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le 3 juin 2010

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Aliocha

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