Chez Fritz Lang l'espionnage est une danse où chaque protagoniste tourne sur lui-même le temps d'une reconquête de soi, franchit un grand nombre de portes pour finalement se retrouver à un point de redémarrage à l'instar de ce gong présent dès le générique ou de ce groupe adepte de science occulte réuni en cercle ; le motif circulaire obsède à la manière d'un compte à rebours au terme duquel le vaste édifice humain explosera et fertilisera, des cendres générées, le terreau pour bâtir quelque chose de nouveau. Le gâteau est l'élément déclencheur et solution du nœud dramatique, la mort de l'être aimé se clôt par la fuite avec sa remplaçante ; car le temps chez Lang semble offrir aux personnages l'occasion d'un salut, leur permet de se purger pour, des ténèbres, parvenir à la clarté d'un jour nouveau, ne serait-ce que par le trou causé par la balle fraternelle. Espions sur la Tamise concentre beaucoup de thématiques chères au réalisateur et fait le choix de la juxtaposition de scènes en guise de dramaturgie, n'offrant une pleine compréhension qu'à la fin. Surtout, le film vaut pour sa dénonciation du nazisme jouée en second plan : quelques croix significatives, des honnêtes gens qui cachent derrière leur masque une monstruosité sournoise (avec notamment les personnes âgées investies dans des œuvres de charité, figures renvoyant dos à dos l'horreur nazie et l'hypocrisie bourgeoise), un couple autrichien au doux nom de Hilfe qui, à lui seul, concentre premier et second degrés puisque l'un trahira, l'autre aimera, Hilfe signifiant Aide. Car le nazisme est avant tout une question de choix : l'un périra par aveuglement idéologique, l'autre connaîtra la passion méritée par sa lutte contre le fascisme. Tout cela rapporté également à la rondeur de la balle enfantine symbole de naïveté et d'innocence, leitmotiv langien par excellence. Le Ministère de la Peur, c'est la mise en scène de la vérité enfouie malgré des apparences souvent trompeuses où hommes et femmes ne sont rarement ce que l'on croit : une leçon de méfiance - et de cinéma en considérant la réalisation sublime de Lang -, une leçon d'espoir dépourvue du cynisme d'habitude si apprécié par son réalisateur.