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Plan fixe sur la sierra, au loin un cavalier s'avance en sifflotant, on ne distingue que sa silhouette dans l'étendue déserte ; pendant une minute, il continue de s'approcher. Toujours sifflotant. Ou est-ce bien lui qui siffle ? Et ce craquement qu'on entend, ce sont des allumettes ?
PAM, un coup part, le cavalier s'effondre, le cheval s'enfuit. Générique.


Après Pour une poignée de dollars qui m'avait un peu laissé sur ma faim, cette intro mythique m'a tout de suite fait comprendre qu'avec Quelques dollars de plus, on attaquait les choses sérieuses. Oui, avec un budget qui a désormais triplé depuis son précédent film, toutes les proportions sont revues à la hausse : iconisation à outrance de personnages débordant de classe, tantôt justiciers sans peur, tantôt criminels névrosés, gueules cassées complètement transformées, saturant d'expressivité, production value de qualité avec construction d'une ville entière pour les décors, plusieurs sets différents dont la ruine d'une église qui a vraiment existé, et figurants en nombre...


Mais, surtout, Leone ne se cache plus, et il exprime enfin par sa mise en scène tout son goût pour la démesure. À l'image de cette introduction donc, démesure dans la longueur, une minute où il ne se passe pour ainsi dire rien, et démesure dans le panorama gigantesque du désert espagnol. C'est d'ailleurs avec ces longs plans fixes et ces travelling fluides et lents que Leone arrive à prendre le pendant d'une image qui en exprime souvent trop. Le dégoût aurait pu ne pas être loin, si l'excès n'était pas enfermé dans le cadre de la mise en scène, si les attitudes, les mouvements, les visages, n'étaient pas aussi régulièrement opposés au cadre, s'ils n'étaient pas comme contrôlés par le rythme et les proportions que leur impose le film dans lequel ils évoluent.


Et au final c'est ça Leone : un jeu de tous les instants entre l'enfermement et la libération. Des personnages sans cesse sur la brèche, et l'explosion qui peut survenir à tout moment. Une ambivalence qu'on retrouve dans le personnage de Gian Maria Volontè, plus magnifique que jamais, que je suis obligé de mentionner ; peut-être le plus terrible de tous les antagonistes leoniens, le plus fou, le plus dangereux, et qui permet pour la première fois d'introduire le deuxième motif récurent de Leone (après la violence/la mort) : la mémoire. Un motif d'inspiration proustienne dont on voit ici les balbutiements et qui s'étendra et se développera tout au long de sa deuxième trilogie, pour finalement éclater dans Il Était une fois en Amérique.

Créée

le 3 févr. 2019

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Arbuste

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