Ce n’est pas nouveau : j’aime les films différents. J’aime les films qui sortent du lot. J’aime les films qui te surprennent. Et le cinéma d’aujourd’hui, du moins celui qui arrive dans nos salles, semble parfois tellement aseptisé que je ressens le besoin d’aller chercher à côté, là où personne ne va, afin de découvrir des petits films qui valent le détour et, pourquoi pas, vous donner envie de les découvrir. Oui, c’est parfois compliqué parce que ces films en question ne sont pas sortis chez nous et qu’il peut, du coup, être compliqué de les voir. Mais comme on n’est jamais à l’abri d’une sortie discrète en SVOD des années après, eh bien ce texte sera déjà là. Tout ce bla bla introduction n’est là que pour vous prévenir que je vais parler ci-dessous d’un petit film norvégien difficilement visible chez nous et un peu à part. Alle Hater Johan, traduit par Everybody Hates Johan pour sa petite exploitation internationale, est une comédie douce-amère pleine de charme et de sagesse, versant parfois dans l’humour noir, voire l’excentricité. Mais ce premier film du réalisateur Hallvar Witzø est surtout une belle découverte.

L’action se déroule sur une petite île aride, dans une région où le vente règne en maitre, et nous allons suivre le personnage de Johan depuis sa naissance et pendant presque 80 ans, avec un film se divisant en plusieurs parties, chacun à une époque de sa vie. Lorsqu’il est tout bébé, ses parents sont impopulaires auprès de la population locale pour qui ils font sauter des ponts avec un peu trop de zèle pendant la seconde guerre mondiale. On les prend pour des communistes et les gens les évitent autant que possible. Lorsqu’ils se font sauter la tronche en essayant de faire péter une mine flottante, Johan est confié à son oncle et sa tante. Vers ses 6 ou 7 ans, il tombe amoureux de la jolie Solvor, un amour platonique qui se concrétisera enfin à l’adolescence, du moins jusqu’à qu’un accident de dynamitage détruise l’amour de sa vie, le forçant à s’exiler aux Etats Unis, loin de cette population qui désormais le déteste encore plus. Adulte, il revient à Titran et se rend compte que, malgré les années qui ont passées, son nom de famille est toujours très mal vu et, en plus, Solvor, désormais handicapée, ne veut rien savoir de lui. Désespéré, il reprend les choses en main lorsqu’il se rend compte qu’il est bientôt le dernier survivant de l’arbre généalogique et que, s’il ne fait rien, le nom de Grande risque de s’éteindre avec lui. Avec l’aide d’une entreprise spécialisée, il fait venir chez lui une Vietnamienne, avec la ferme intention de l’épouser un jour. Mais lorsque les deux se rapprochent, Solvor ne voit pas ça d’un très bon œil. La dernière partie du film nous contera la vieillesse de Johan. Alle Hater Johan traverse différentes époques avec une palette de couleurs cohérente et un maquillage de vieillissement vraiment impressionnant sur les principaux acteurs. Dommage qu’avec ces sauts dans le temps, le film ne fait au final qu’effleurer la surface d’une histoire qui aurait pu encore plus verser dans le tragicomique. Car le réalisateur semble au final plus intéressé par la description de personnages et d’environnements bizarres que par la narration d’une histoire complètement cohérente.

Pourtant, ce petit film est réellement sympathique, bien qu’il soit assez difficile de décrire son charme si particulier. Les personnages sont hauts en couleurs et leurs destins parfois étranges. Tous, à l’exception de Johan, semblent vivre dans le conflit, dans l’opposition avec les autres, ne faisant jamais preuve de générosité ou de pardon. Ils sont autant d’obstacles au bonheur de Johan au point que, quelque part, ils lui dynamitent sa vie. La relation très tendue entre Johan et Solvor atteint un paroxysme dramatique qui amuse autant qu’il fait tiquer. Hallvar Witzø semble avoir voulu raconter une histoire comique sur le rejet et la solitude avec comme point central Johan, un personnage dont l’engagement envers ce qu’il aime est illimité (aussi bien sa famille directe, parent et oncle/tante, que celle qu’il aime réellement) malgré tous les bâtons qu’il prend dans les roues. A l’inverse de cette population morne, méchante, détestable, il y a ces décors somptueux. Magnifiquement bien filmés, avec une superbe photographie qui capture la nature ô combien sauvage mais pourtant idyllique des lieux grâce à des plans larges souvent impressionnants. Johan semble s’y sentir bien (il y revient constamment), un peu comme si le vent constant qui y règne chassait les méchancetés de la population envers lui. Oui, c’est assez compliqué de parler de Alle Hater Johan et de ce qui fait son charme, surtout que le ton un peu en retenu et l’humour lent du film ne le rendent jamais à pouffer de rire, ni même aussi puissant qu’il aurait pu l’être. Mais pourtant le film fonctionne du début à la fin grâce à une histoire cohérente, des moments légèrement excentriques ou encore une jolie caractérisation des personnages.

Everybody Hates Johan est une comédie suffisamment à part, suffisamment différente, pour qu’elle mérite qu’on s’y intéresse. Le cinéma Norvégien est plein de surprise et ce film en est un très bon exemple.

Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-everybody-hates-johan-de-hallvar-witzo-2022/

cherycok
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le 24 avr. 2023

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