J'ai beaucoup de mal avec les westerns spaghettis. L'époque et le cadre me plaisent, l'esthétique est cool, la mise en scène est assez intéressante (notamment chez Sergio Leone), mais c'est un genre qui a énormément vieillit. De ce fait, je n'arrive pas à apprécier à leur juste valeur ces films pourtant cultes (sauf deux ou trois exceptions). En fait, je rêvais d'un western spaghetti modernisé, plus adapté aux standards cinématographiques actuels.
Johnnie To a répondu à mon appel !
Exilé copie sans retenue les codes caractéristiques du western spaghetti. Les plans larges, les longs silences, les musiques posées et mystérieuses, les duels de regard, etc...
Sauf que c'est un western hong-kongais et à la place des cow-boys errants on a droit à des mafieux errants, et à la place des USA, on a droit à Macao.
Bon, je caricature un peu, ce n'est pas qu'une simple transposition, mais globalement, Exilé se savoure comme Il Était une Fois dans l'Ouest.
Ce qui m'a personnellement impressionné, c'est cette capacité qu'à To de s'approprier des codes déjà bien rodés pour y ajouter sa touche personnelle sans que cela ne nuise à l'intégrité de l'œuvre
Exilé se réinvente constamment et ne cessera de nous impressionner jusqu'à la fin.
Les gunfights sont écrasant de classe et très stylisés. Certains passages valent le détour, comme le début, dans l'appartement de Wo, ou l'attaque du transport de fond, ou encore dans l'appartement du chirurgien. La tension y est palpable et la mise en scène foutrement bien fichue ! Le cadrage y est d'ailleurs pour beaucoup.
Ce qui m'a également étonné, ce sont les thèmes abordés par le film. Il se présente comme un banal polar/action hong-kongais avec les sempiternelles triades, et blablabla... En réalité, Exilé est un film parlant d'amitié. Les personnages, pris individuellement, sont assez creux, mais se complètent tous et en deviennent assez attachants. C'est d'ailleurs grâce à ça que l'on accroche au scénario, que l'on se sent impliqué, et pas grâce à l'histoire, bien trop convenue.
Finalement, je n'ai qu'un seul grief à adresser à Exilé : la place mineure de la femme de Wo qui apparait et disparait bien trop vite de l'écran alors que son rôle à la fin est important.
S'il faut regarder Exilé ? Bien sûr ! Johnnie To prouve dans ce film que le style HK est loin d'être rangé parmi les vieilleries et envoie un magnifique coup de latte accompagné d'un remarquable bras d'honneur à tous les polars américains.