Femmes au bord de la crise de nerfs par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Ce n'est vraiment pas la joie pour trois femmes dont des problèmes sentimentaux divers s'accumulent à tel point qu'elles sont très proches de la dépression nerveuse. C'est alors qu'elles se retrouvent, afin de confronter leurs malheurs, dans un très bel appartement des quartiers rupins de Madrid, mis en vente par Pepa. La ravissante jeune femme ne pense qu'à Ivan, son amant et dragueur impénitent qui vient d'avoir l'outrecuidance de laisser tomber leur liaison. Candela, sa grande copine est encore plus mal lotie puisqu'elle vient de découvrir que son compagnon faisait partie d'un réseau terroriste chiite aussi la rage plus la peur s'emparent d'elle. Pour compléter ce triste tableau, Lucia, l'ex-épouse du fameux Ivan, apparaît après avoir fait un long séjour dans le service psychiatrique d'un hôpital avec la ferme ambition de tuer son ancien mari. En plein milieu de ce mélodrame arrive un couple, Carlos et Marisa, désirant acheter l'appartement. C'est alors que cette dernière se rend compte que son compagnon n'est autre que le fils d'Ivan, le personnage par qui tous les malheurs arrivent. Le bel appartement se transforme en pugilat et une folie collective s'empare de ces femmes que leur entourage a bien du mal à comprendre.


Pepa et Ivan fréquentent tous deux les studios de cinéma puisqu'ils prêtent leurs voix à de nombreuses vedettes du grand écran. Chaque jour ils se jurent fidélité pour la vie mais cela n'empêche pas Ivan de disparaître subitement dans la nature au bras d'une autre femme. La pauvre Pepa se démène pour remettre la main sur le dragueur fugitif mais rien n'y fait, bien au contraire. Elle va s'attirer tous les malheurs du monde en retrouvant d'autres femmes, elles aussi aux problèmes divers. Bien entendu dans ces moments là, chacune se monte la tête pour en arriver à trouver dans la panique des solutions plus absurdes les unes que les autres en fonction de sa personnalité.


Lorsque la crise de nerfs pointe le bout de son nez elles ne sont pas à cours d'imagination, Pepa, Candela et Lucia! Pensez donc, la première remue ciel et terre pour retrouver son bien, la seconde cherche à se suicider par crainte de la police et la troisième n'a qu'un seul objectif, tuer son ex. La pauvre Marisa, déjà condamnée aux somnifères, débarque au beau milieu de toute cette cacophonie pour apprendre que son mari est le fils de l'insaisissable Ivan. L'entourage subit cet élan de nervosité avec philosophie.
Par contre, les policiers venus enquêter sur la relation suspecte de Candela en seront quitte, comme Marisa, pour un bon somme. La gardienne de l'immeuble, témoin de Jéhovah, ramassera inlassablement les objets virés de l'appartement et qui encombrent son hall d'immeuble. Une avocate bornée se montrera irascible envers Pepa sa cliente et pour cause... tandis qu' un chauffeur de taxi (toujours le même) devra se spécialiser dans les filatures et les courses-poursuites et là, il faudra faire très vite car Ivan doit prendre incessamment un avion à l'aérodrome de Madrid. Qui arrivera en premier, celle qui veut le tuer ou celles qui désirent que malgré tout il soit épargné?


C'est après l'arrivée de la démocratie en Espagne que Pedro Almodovar lance sa carrière de réalisateur et en 1988, avec ce troisième film, sa notoriété débute en France où il a maintenant la reconnaissance qu'on lui connaît. Le cinéaste a toujours porté très haut son amour pour "l'air" de son pays. Pedro Almodovar excelle, ici, dans le choix de ses actrices et les couleurs flamboyantes dont le rouge domine en particulier. Ce film à l'allure très kitsch est en fait un vaudeville.
Nous partons d'un fait banal qui va empirer jusqu'à devenir une ficelle pleine de vilains nœuds, nœuds qui petit à petit vont se dénouer. Le réalisateur cerne des personnages complètement différents sur le plan de leurs personnalités et de leurs problèmes puis il les relie et les laisse réagir selon leur tempérament. Comme l'humeur de ces femmes, tout est amplifié dans le comportement de leur entourage. Alors nous assistons de la part de tous les personnages à des faits ou à des propos tout à fait surréalistes. Bien entendu cette histoire trépidante se devait d'être interprétée par des actrices travaillant en parfaite osmose avec la vision très particulière du réalisateur de cette comédie. On peut affirmer que celui-ci ne s'est pas trompé en choisissant Carmen Maura, Maria Barranco, Julieta Serrano et Rossy de Palma pour interpréter ces femmes aux réactions aussi imprévisibles qu'insensées.


Durant une heure trente, on se laisse prendre aux évènements désopilants que subissent ou provoquent nos héroïnes. On essaye d'abord de s'y retrouver dans ce méli-mélo d'aventures surprenantes et tout en souriant ou en riant de leurs malheurs nous entrons au cœur des différents dilemmes. On se laisse aller au rebondissements, aux situations presque outrancières et aux coïncidences énormes qui parsèment cette œuvre. Pour nous faire ingurgiter tout cela en ayant envie d'en demander encore un peu plus il fallait bien que ce soit Pedro Almodovar et son immense talent qui nous entraîne dans ce tourbillon.

Grard-Rocher
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le 3 oct. 2013

Modifiée

le 22 mai 2013

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