HA ! HA ! HA ! HAAAA ! HI! HI! HI! HÉ! HÉÉÉ…

J’essaie d’imiter le rire de malade mental de Tyler Durden, mais j’arrive pas. J’suis pas assez fort pour ça. Ce film à quelque chose qui le met à part. Culotté et culte pour beaucoup, générationnel pour d’autres, insensé pour moi. Á chaque fois que je le visionne, je me demande quel est le fou qui a été capable de mener ce projet à bout. Il n’y avait que David Fincher pour faire ça. Adapter un livre inadaptable, déjà. Qu’elles sont les règles du Fight Club ?
Règle numéro 1 : Je ne peux pas en parler ici.
Règle numéro 2 : Idem
Un employé de bureau souffre d’insomnie chronique (Edward Norton/le narrateur). Il traîne dans des réunions du genre alcooliques anonymes, cancéreux anonymes, drogués anonymes, et écoute les gens raconter leurs souffrances, ça l’aide à retrouver le sommeil. Un jour, il rencontre un travailleur indépendant, représentant en savon, (Brad Pitt/ Tyler Durden). Ce dernier va l’entraîner dans une spirale infernale faîte de violence, de fièvre, et de virtuosité cinématographique. Fincher a ceci de particulier que dans tout ce qu’il fait, il met un souci maniaque à la mise en scène, et perfectionniste du détail. C’est toujours descriptif en diable, et jouissif à l’écran. Ici on a une esthétique de magazine pour homme moderne. LUI mag. Ça se laisse regarder comme un vidéoclip, ça va vite et on n’a pas le temps de penser. Photo nocturne, lumière idem, acteurs habités, surtout Pitt, qui a un des meilleurs rôles de sa carrière. Violence très…stylisée. Même quand du sang coule, c’est nickel graphiquement ! La beauté formelle supplante le fond, ce qui aide sûrement à supporter toute cette violence. Oublions les pseudo-messages, qu’il n’y a pas dans le film. Propagande contre le capitalisme, message politique facile pour ados branchés, HYPE. Tout ça c’est juste des éléments qui sont là pour pousser le film au bout de sa logique. Tout ce qu’on prend pour de la réflexion, se sont des pièces rapportées, des lego que Fincher utilise avec brio pour architecturer son film. C’est ainsi qu’il utilise toutes ces punchlines :
I’m Jack [complete] lack of surprise
Je ne sais toujours pas ce que ça veut dire, mais putain: « c’est beau! »


Que se soit les punchlines, (ce film est une mine dans le genre, certains profs de philo le visionnent avec leurs élèves exprès pour ça), la direction d’acteurs, la violence, (très fun, vidéogag), les concepts envoyés à la pelle. Nihilisme illusoire? Anarchisme ? Perte d’identité ? Ultraviolence sadique ? La fin du monde capitaliste ?
La narration qui ressemble à une chaîne de dialogues/répliques/monologues cultes ? Fight Club est le seul thriller, bien le seul thriller que je connaisse, qui ne se fasse pas bouffer par son (ses) message (s), ni par son fameux retournement de situation. Retournement de situation que tout le monde appelle twist final, on ne sait trop pourquoi. Si ce twist avait été à la fin, on aurait eut un « vrai » twist final, et le film aurait été beaucoup moins bon, moins abouti. Au contraire, le coup de theâtre rebondit avec le film, et nous amène au projet Chaos, phase ultime du Fight Club. Toute la dernière partie est un grand twist à flashback. Le film lui-même est un gigantesque flashback. C’est riche à se perdre dedans.
Apparemment, le personnage de Norton a dans la tête un gars qui s’appelle Jack, qui nous parle tout le temps en voix off. Norton c’est l’intello. Pitt le musclé, tout le temps en action. Et les plus belles lignes, c’est quand c’est Jack qui nous parle. On va bientôt savoir pourquoi…Baston, savon.

Film à synopsis multiples et variables, pour objet culte, à étudier :
Proposition 1 : Jean qui grogne (Norton), rencontre jean qui rit, (Pitt), et ça fait : BOUM dans la tête ! C’est pas Possible, c’est trop con !
Proposition 2 : Deux hommes frustrés veulent changer le monde. Ils créent un club de combat à mains nues. Ça marche au-delà de leurs espérances. Le Fight Club devient une franchise qui essaime dans tous les Etats-Unis. Wow ! Soudain, on se rend compte que le plus cinglé des deux, n’est pas celui qu’on croit.
Proposition 3 : Huckleberry Finn et Tom Sawyer ont grandis, et se rendent compte que la vie n’est pas un jeu. Ils se fâchent tout rouge, et décident de continuer de jouer.
Proposition 4 : Après le succès de Seven, on a donné carte blanche à Fincher. On lui a dit de faire ce qu’il voulait. Amuse-toi ! Sûr que ça va marcher ! Message reçu cinq sur cinq. Et si Norton parle tout le temps au spectateur c’est normal, Norton c’est Fincher. Et si Brad Pitt fait des conneries, c’est normal aussi. On va bientôt savoir pourquoi.


Au fait, on ne dépense pas d’argent au Fight Club. Ceci est important. C’est une association secrète type loi 1901. Aucun enrichissement personnel n’est autorisé. La meilleure façon de critiquer le capitalisme, c’est de ne pas le critiquer. David réussit à nous faire Anarchy in the US, mais de façon détournée, vu que la révolution est impossible, vaine. Comment il a fait ? Facile. Il a pris Brazil, d’une main, « Vol au dessus d’un nid de coucou », de l’autre, mélangé tout. Et prend ça dans ta gueule ! Et ça vole haut en apparence.
« Nous sommes une génération d’hommes (ados attardés), élevés par des femmes. On n’a pas besoin de femmes. » Comme le dit Norton lui-même :

«…Quand la veille on s’est fait déboîter la mâchoire au Fight Club, et qu’on a avalé un litre de son sang. Le lendemain, au boulot, on se sent revivre. »


David, as de la re-conceptualisation formelle, il arrive à tout vider de son contenu et à garder l’essentiel, l’impact, et la maîtrise esthétique. C’est assez marrant, car l’ultraviolence, ici c’est (second degré), et tout aussi comme c’est faussement machiste. Le seul personnage féminin, Marla, arrive à semer le trouble entre les deux hommes, et ils n’arrivent jamais à s’en débarrasser. LOL. Pourtant se serait facile. LOL. Plus gothique désespérée que femme idéale, elle va tout foutre en l’air. 

C’est clairement du fascisme de cinéma. Ultra référencé et digéré. (Kubrick, Nicolas Ray, Buster Keaton…) Et ça s’emballe soudain, et on passe du Fight Club, à la révolution façon Club Dorothée pour adultes. CHAOS !!


Tyler est ambitieux, il veut foutre tout le système en l’air. Norton lui prend peur, car il trouve que ça va trop loin. Ils entrent en conflit direct, et le film devient une comédie burlesque, direct. La dernière partie laisse certains dubitatifs, le changement de perspective ne passe pas. Pour moi c’est comme un changement de voie en plein autoroute, je trouve ça très fort ! Et je trouve qu’on ne souligne pas assez combien Fincher nous laisse d’indices, pour qu’on comprenne que ces deux personnages sont comiques, voire pathétiques.
Energie récréative, plans cultes, dialogues cultes, tout est fabriqué, références cultes. (J’ai un faible pour l’allusion à Forrest Gump. En deux phrases, une scène, on comprend tout).


Aucune violence dans le film n’est gratuite, contrairement aux apparences. Tyler est idéaliste, mais il a un plan ; et Norton, lui, est un peu con. Il devrait consulter un docteur, et se faire prescrire des pilules pour dormir…Éloge de la folie, narration ascensionnelle, jusqu’à la catastrophe ou libération finale.


 Dans cette farce philosophique interactive, le vrai malade c’est le spectateur, entraîné de force dans cette fuite en avant jubilatoire. Et c’est pour ça que ça marche. Et si on entre dedans, c’est pour ne plus en sortir.          Je n’ai pas été surpris, à l’époque, de rentrer dans la chambre d’un camarade de bahut, et de voir le poster du film, bien en évidence sur son mur. Un savon marqué FIGHT CLUB. Rose le savon (!) 

Réalisateur génial, acteurs beaux et bankable, ce film est à voir, c’est sûr. Tout le monde en parle. Faut avoir du goût pour mettre ça chez soit. C’est autre chose qu’une pin up, ou un footballeur. Je ne l’ai vu que bien plus tard, le film, pourtant j’étais déjà fan avant. On pourrait appeler ça l’effet post Seven. Sûr que ça doit être un super film. Seven étant génial, Fight Club ne peut que l’être aussi. Mais la réputation est à double tranchant.


Et Fight Club résiste à l’usure inhérente à tout meuble IKEA. Son côté objet pop culture, ne nuit nullement à ses qualités artistiques, bien au contraire. C’est le seul film dont on m’a raconté la fin, (j’en ai tellement entendu parler, que ça devait arriver), et ça ne m’a pas gêné (?) D’habitude je déteste ça. Ça me gâche le plaisir. Or, le jour où je l’ai finalement visionné, en dix minutes, j’avais complètement oublié la fin !


 Peu de films collent ainsi à leur génération. Tragi comique, urbain, borderline, attrape-ados, anarco-capitaliste. Tout pour faire le blockbuster ultime. En temps normal, seule la HYPE survit. Ça fait X fois que je le regarde, à chaque fois, je suis entraîné dans X niveaux de lecture. Le concept reste entier.
Et il n’y a aucune critique de la société de consommation non plus. Ce qui est montré à l’écran, c’est le consumérisme acharné de Norton, certes. Chez lui c’est une page de pub dernier cri. Le seul à blâmer, c’est lui. Jamais la société n’est mise en contradiction. La seule concession, c’est cette photo parfois sale, et ce sentiment de claustrophobie, dû à la prédominance de scènes nocturnes dans des bars. Sous sol. Espace fermé. Avion. (Superbe accident vu de l’intérieur d’ailleurs !)

Notre héros travaille dans une compagnie d’assurance. Il arrive à piéger son patron, et à s’en tirer avec indemnités et impunité. Comme ça il peut aller tous les soirs au Fight Club, il prend plein de coups, sans jamais se faire défigurer, normal, il est en plastique. Et c’est le patron qui s’est fait avoir, pas l’ouvrier( !) Irréaliste. Conte adulte ? Éloge du capitalisme poussé dans ses derniers retranchements. Il avale tout ce qui passe à sa portée. D’où une overdose de gesticulations pour s’en sortir. En pure perte. Reste la beauté du geste.


Revendication ? Où ça ? On me parle tout le temps de critique du capitalisme. Ah bon ? Peut-être que certains se sont sentis concernés, et cherchent la petite bête ? Ou alors Fincher est un génie. Il nous fait voir des trucs qui ne sont pourtant pas dans le film. HA ! HA ! HA ! HAAAA ! HI! HI! HI! HÉ! HÉÉÉ…HO ! HO ! HO !


Voilà un chef d’œuvre qui ne fait pas partie de mon top 10, uniquement parce qu’on ne peut mettre que dix films dans le top 10. Logique. Quoique. Il est dans mon top 10. Ce film, c’est  l’Orange Mécanique des années 2000. Notre Orange Mécanique à nous. 

@twitter TylerDurden.com
ALWAYS STAY #POSITIVE

LET THE DESTRUCTION
BEGIN THE BEGUINE

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le 3 févr. 2016

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Angie_Eklespri

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