Film ist.
7.8
Film ist.

Film de Gustav Deutsch (1998)

Avec Film ist. l'auteur polyvalent Gustav Deutsch porte le Cinéma façon "work in progress" à son apogée. En douze chapitres eux-mêmes divisés en deux parties de six épisodes chacune cet objet étonnant - probable étude cinématographique aussi glaciale que forcément intrigante - développe dans un premier temps un hémistiche visuel et sonore pour le moins passionnant, revenant sur une petite demi-heure sur les propriétés de l'Art cinématographique : cinétique, lumière, matériel, persistance rétinienne ou encore effet miroir... autant d'éléments susceptibles de créer l'illusion filmique, quelle qu'elle soit ; dans cette première moitié du projet du "film étant" Gustav Deutsch joue d'ores et déjà sur les effets de boucle et de répétition propres à la Cinématographie : un mouvement résurgent, rémanent et éternellement "encore là", "toujours là" et dans le même temps "encore à venir". Le réalisateur autrichien emprunte de ce point de vue la même logique structurelle que celle développée par Michael Snow dans son magnifique Presents au tout début des années 1980 : son Film ist. est du reste littéralement un "film se présentant à notre regard et à notre ouïe", proposant du mouvement, du son et de l'image comme une perpétuelle pensée en arborescence au coeur de laquelle le spectateur (le visionneur) pourra se promener à sa guise au gré d'un métrage délibérément sans queue ni tête.


Dans un second temps Deutsch propose un deuxième hémistiche résonnant comme une singulière mise en pratique des propriétés sus-citées : six chapitres présentés sous le signe du found footage méticuleusement étalonné par le cinéaste autrichien, et de surcroît monté comme une fiction protéiforme et inédite... Cette partie nous semble toutefois moins efficace que sa prédécesseuse, car étonnamment moins libre et certainement plus empruntée, plus "esthétisée" que la première... Mais Gustav Deutsch n'en reste pas moins un créateur d'exhumation plastique sans précédent, probable inspirateur d'un épigone tel que le prodigieux Bill Morrison et son magnifique Decasia réalisé au début des années 2000 ; Film ist. demeure d'un bout à l'autre un objet filmique digne d'intérêts et de beautés, duquel nous privilégierons davantage la dimension froide et conceptuelle (la première partie, de fait) à celle plus "fictive" et sans doutes un tantinet plus "figée" de la seconde moitié. Une oeuvre aussi unique qu'étrangement inégale.

stebbins
7
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le 28 oct. 2023

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