Le mérite de Laurent Cantet est au moins de n'être jamais là où on l'attend. Palmedorisé par l'américain Sean Penn, le voilà de retour avec un film rétro de chez l'Oncle Tom. Fresque romanesque sur l'adolescence et la révolte, récit initiatique sur les limites de l'utopie, Foxfire s'inscrit cependant pleinement dans la filmographie de l'auteur de Ressources humaines.

Sans avoir lu le roman de Joyce Carol Oates, on devine que Cantet l'a adapté avec le plus grand respect et la plus grande minutie. C'est sans doute pour cela que le film baigne dans une curieuse impression de déjà-vu, un peu comme si on connaissait déjà l'histoire de ses filles en souffrance familiale, qui décident de se révolter, contre le machisme d'abord, le capitalisme ensuite, et mettent toute leur énergie à croire qu'une autre voie est possible.

Les premières images laissent supposer le pire. Écrasées par la voix-off narrative, qui semble lire le roman, elles ont l'air de nous embarquer dans un teen-movie de brocante qui ne nous apporte rien. Puis l'énergie des filles, le mouvement de l'histoire qui va les happer, la constance de Cantet à raconter cette histoire, vont prendre le dessus. La voix-off narrative reviendra, inutile, mais finalement peu dérangeante.

Car Cantet donne toute la place à ces filles audacieuses. La caméra est proche des visages, les mouvements sont fluides, la mise en scène toujours mouvante. Le groupe se construit puis se déconstruit autour de la figure charismatique de Legs. On sent les luttes de pouvoir, les radicalités qui naissent, les implications sentimentales, les vides affectifs. On suit les meneuses, on voit les suiveuses. C'est la confrontation au réel qui crée les ruptures. C'est elle qui engendre la violence. C'est elle qui détruit tout.

Et puis il y a cette esquisse d'histoire dans l'histoire, la relation ambiguë entre Legs et Marianne, jeune oie blanche nourrie de bons sentiments, histoire d'amour entre deux contraires qui s'attirent, bien vite avortée, impossible par essence, délicatement esquissée par un récit qui sait distendre le temps, casser le rythme pour le rétablir ensuite.

Les jeunes actrices sont toutes excellentes. Le groupe fonctionne parfaitement, et donne toute sa force à un film qui, s'il ne brille pas par son originalité, ne fait ni dans la surenchère ni dans le racolage. Foxfire, confessions d'un gang de filles, est un film profondément honnête. Et c'est déjà pas mal.
pierreAfeu
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le 7 janv. 2013

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