Le risque avec l'expérimental, c'est de choquer mais aussi de ne pas être clair, faute d'utiliser des motifs reconnaissables. Pour le coup, Soderbergh préfère semer la confusion dès le départ avec un faux générique, et dérouler l'histoire clairement pour nous en faire revenir. J'ai cru y voir une inspiration à Southland Tales (Richard Kelly, 2006), le genre mis à part.


Stéréotypicide et coup de gueule, Full Frontal fascine avec ce qui devrait nous insupporter. La caméra au poing semble ne rien apporter, et ne même pas soutenir argument quand on voit les moyens mis ailleurs sur le tournage. Le naturel des acteurs n'y change pas grand chose, commence-t-on de penser en levant un doigt mécontent.


Mais le doigt se rabaisse ; dans la futilité, au milieu de ce script qui semble avoir été construit au fur et à mesure autour du quotidien d'Hollywood, on se sent une sorte d'attirance pour la platitude scénaristique. Une familiarité indéfinissable nous y raccroche jusqu'à ce qu'on sache en préciser la nature : cette griseur, c'est celle du vrai quotidien. Ce qui nous scandalisait, c'est de la voir appliquée à des personnages dont on a l'habitude qu'ils nous soient aussi inaccessibles que s'ils étaient de fiction : les stars. Soderbergh nous confronte à notre propre paradoxe d'idéaliser les stars et de rêver être proche d'elles, et faisant semblant de remanier leur vie, alors qu'en réalité il nous l'expose.


On continuera (et par ”on”, l'on veut dire ”je”) de se poser la question de la caméra au poing. Le propre du prototype, c'est de ne jamais être totalement transparent. On aura compris les bribes d'histoire, qui finissent par faire sens, surtout guidés par des acteurs aussi méritants que Mary McCormack ou Blair Underwood (réunis dans Deep Impact), et puis c'est sympa d'avoir reconstitué des tournages avec le caméo de Brad Pitt pour rompre le quatrième mur au sens quasiment propre. Mais, oui, il y a de l'inexplicable. De l'art brut. Il faut avoir un bon sens de l'interprétation et envie d'en user.


Quantième Art

EowynCwper
7
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le 10 déc. 2018

Critique lue 173 fois

Eowyn Cwper

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