Même les génies peuvent réaliser des nanars cosmiques

Je me suis longtemps demandé pourquoi "Furie" était passé un peu à la trappe dans la carrière tumultueuse et controversée de De Palma, et pourquoi on n'en parlait à peu près jamais. En me farcissant les 2H de film, j'ai compris que c'était simplement parce que c'était une espèce de gloubiboulga informe. De Palma s'emmêle les pinceaux dans un patchwork indigeste de genres multiples : espionnage, action, comédie, film fantastique, en se plantant à peu près sur tous les tableaux.
Mais comme toujours, même dans une série Z De Palma, il y a deux millions de choses à en dire.

Il faut préciser que j'ai vu le film dans une VF assez abominable, ce qui le dessert complètement, malgré tout il reste des scènes intrinsèquement hilarantes et nanardesques comme pas permis :

- Intro du film : sur une plage, Kirk Douglas discute avec John Cassavetes, à propos de son fils (un surfeur beauf au charisme négatif répondant au doux prénom de Robin) qui aurait des superpouvoirs bien particuliers...

Soudain des saoudiens de pacotille tout en foulards et djellabas nous refont le débarquement allié d'Omaha Beach : ils arrivent en canots sur la plage, et mitraillent tout le monde.
C'était en réalité un guet-apens fomenté par Cassavetes lui-même qui, chose marrante, n'a rien d'autre à foutre que de filmer la scène (méta-discours, clin d'oeil en référence à son statut de réal culte ?) avec sa caméra (il se balade souvent dans le film avec sa caméra sans raison particulière).

Espèce d'éminence grise à la tête d'une organisation secrète maléfique dont le QG ne se situe pas dans un repère secret souterrain, mais dans une maison de campagne du fin fond de l'Amérique...
Le but de l'opération était de réussir à neutraliser Kirk Douglas, et de récupérer Robin pour profiter de ses superpouvoirs afin de faire... des tests!

En effet tous les gamins super doués sont envoyés dans une sorte d'école des sorciers (bonjour Harry Potter) pour réaliser des tests palpitants à base de chifoumi, et de lancers de disque du chien dans le jardin.. Les meilleurs sont alors kidnappés définitivement par la vile organisation pour faire encore tout plein de tests bien plus poussés : faire du saut à la perche par exemple.

- Un an plus tard, vieux Chicago, Kirk Douglas n'est pas mort et recherche toujours activement son fils kidnappé, malheureusement il se fait repérer par les vilains, et moment de bravoure, il est obligé de quitter en vitesse son lit, résultat, course-poursuite dantesque dans les rues en slibard, avec un petit côté king kong, puisque Kirk bondit de toits en toits, avant de trouver refuge chez une famille qu'il prend en otage pour récupérer de nouvelles fringues, de l'argent, et surtout se faire un nouveau déguisement ni vu ni connu j'tembrouille à la mission impossible.

Oui mais non, on t'a reconnu, t'es grimé comme une merde Kirk, c'est pas en tenant une canne de grand-père, en te peroxydant les cheveux, en t'ajoutant 200 fossettes de plus sur la gueule, et en marchant à deux à l'heure comme un papy que tu passeras inaperçu.

Et effectivement ça ne rate pas, puisqu'il se fait immédiatement repérer... Par l'organisation qui a des yeux et des oreilles partout...

- Un autre arc narratif suit les aventures d'Amy Irving, l'ex camarade de Sissy Spacek dans "Carrie au bal du diable", là encore c'est totalement mou, impersonnel et franchement chiant. Elle a également des superpouvoirs qui consistent à faire saigner les gens qui l'emmerdent et à faire rouler des trains miniatures tout seuls...
Elle est envoyée dans l'école où se trouvait Robin, elle a des flash (bien réalisés pour le coup) où elle revoit ce qu'a vécu Robin, et se rend compte qu'elle est connectée à son esprit.

Gros coup de bol, Kirk avait fait copain/copine avec l'une des employées de l'école, qui lui file le tuyau : peut-être permettra-t-elle de retrouver la planque mystérieuse où est détenu Robin, qui je le rappelle est en train de rien foutre dans une maison de campagne : ah si du saut à la perche, on lui a même mis une greluche entre les pattes pour l'amadouer, et parfois ils font même des sorties en fête foraine du vieux Chicago (qui fait figure d'antiquité puisqu'elle a été rasée depuis), où de rage il explose les nacelles d'une grande roue dans laquelle se sont retrouvés là de pauvre saoudiens qui n'ont rien demandé à personne, et qui du coup partent valdinguer dans le décor, ce qui m'a fait une grande peine.

Mais bon, il faut rappeler que l'organisation rôde toujours partout et a bien ciblé le potentiel du personnage d'Amy Irving, pour pouvoir la kidnapper à son tour, et faire un duo maléfique avec Robin, et ainsi pouvoir faire deux fois plus de tests à base de cordes à sauter, et lancers du marteau MOUAHAHAHAHHAHAHAHAHAHAHAHAHAHHAHAHA.

Donc il faut réussir à extrader la fille de l'école grâce à une super feinte permettant de détourner l'attention de la cuisinière qui veillait au grain, et là, bang, morceau de bravoure, prouvant une fois n'est pas coutume, que même dans les pires De Palma, il y a toujours quelques séquences d'anthologie, même si la caméra n'est pas aussi virtuose qu'à l'accoutumée :
Une course-poursuite assez fendarde où tout le monde court/roule en bagnole/se tire dessus, au ralenti.

On arrive enfin à la maison de campagne : Robin est devenu un gros con, sentant la présence d'Amy qui arrive avec son père (ben oui les deux ont une connexion parapsychique), il s'énerve dans une scène m'ayant rappelé le final entre Pacino et Mastrantonio de Scarface, et se met sans la moindre raison à étriper par télékinésie la nana qui l'accompagne partout, en la faisant léviter puis tournoyer comme une toupie (je me suis cru dans un très mauvais freddie à ce moment).
Kirk retrouve son fils, Cassavetes est dans les parages se demandant une énième fois ce qu'il peut bien foutre là.

Le fils lévite à son tour, et c'est limite s'il se transforme pas en supersayan fâché contre son père (pourquoi ? ça j'en sais rien), pour finalement tomber comme une merde du toit à une hauteur de 15 mètres. Avant de mourir ses yeux deviennent bleus translucides, comme ceux de la fille, et c'est tout.
Ah Kirk est dépité et se suicide en sautant lui aussi du toit, c'est assez drôle, une magnifique prestation à souligner en gras dans sa dense filmographie.

Finalement, puisque tout le monde est mort, il ne reste plus que Cassavetes toujours aussi perplexe, et Amy Irving toujours aussi amorphe qui se font des yeux ronds.
Mais comme il est très méchant, et qu'il dirige l'organisation, celle-ci lui fait saigner les yeux avant de le faire exploser comme un gros ballon, ce qui m'a rappelé l'hilarante mort de Yaphet Kotto dans le merveilleux James Bond "Vivre et laisser mourir" (pour mémoire : http://www.youtube.com/watch?v=Myc6HpJzgaU )

Et tout le film comme ça est très premier degré, là où on attend chez De Palma un petit décalage roublard pour désamorcer les aléas ringards.
Mais y a rien à faire, De Palma reste un réal que j'apprécie énormément, et ce ne sont pas quelques erreurs de parcours, ou quelques ratés pas totalement inintéressants non plus, qui me feront changer d'avis!

PS : la BO de John Williams sans être énorme, est pas trop mal non plus, mais le film ne la met clairement pas en valeur. L'affiliation avec Herrmann est évidente, mais il y a également une tonalité très Howard Shore.. Et donc irrémédiablement le film peut faire pas mal penser à un brouillon d'un film de Cronenberg (lui aussi cinéaste très inégal) :
https://www.youtube.com/watch?v=EooTztXRQ_Y
KingRabbit

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