Je suis surement passée un peu à côté. Pourtant, le film, au titre évocateur, était porteur de réussite, moi-même étant fascinée par les gares et leur atmosphère si atypique. Cependant, notons que tout ce qui est à l’œil humain visuellement agréable n’est pas forcément cinégénique. Nous sommes nombreux à regarder par la fenêtre du train, et à trouver ça romanesque... mais filmé, c’est plat et souvent cela ne rend rien. De plus, le film manque cruellement de rythme, on y trouve facilement des longueurs, et tous les évènements semblent prévenir d’un dénouement attendu.

Ici donc, le point essentiel, fort, plein de maîtrise, c’est ce traitement de l’espace visuel et sonore consenti par la réalisatrice. Elle filme la gare avec ses sons, ses bruits ambiants permanents, ses escalators, ces passagers toujours en mouvement ; tant et si bien que cela donne le vertige. Là est la prouesse : la réalisatrice n’épargne pas son spectateur, elle ne tente pas d’adapter le lieu au scénario mais plutôt l’inverse (et tant pis si on entend mal les dialogues). Si le lieu de la Gare du Nord nous est inconnu, on apprécie de le découvrir à même que le personnage d’Ismaël (Reda Kateb) le fait découvrir à Mathilde (Nicole Garcia). Cette « place d’un village mondial » s’ouvre à nous en même temps que les personnages ouvrent leurs cœurs.

Les cœurs justement, là réside, pour moi, toute la faiblesse du film. Les liens entre les personnages et leurs psychologies sont à peine survolés, si tant est qu’on ne comprend pas, car l’espace temps n’est pas non plus clairement défini. Laborieux, les dialogues viennent ajouter un peu de lourdeur à ces relations auxquelles on peine déjà à croire. Dans le dernier tiers du film, le surnaturel qui intervient devient l’élément qui fait que l’on n’y croit plus du tout ! Saluons néanmoins le jeu de Reda Kateb et Monia Chokri, plein de justesse et retenue. François Damiens quant à lui, cherche sa place, erre, et se complaint dans le rôle de l’humoriste qui tente la reconversion. Le fait que Claire Simon ne développe pas les relations entre ses personnages doit surement être un des éléments qui font que l’on ne s’y attache pas, que rien n’accroche.

On se demande alors si la volonté de la réalisatrice n’est pas, justement, de survoler ces liens affectifs afin de mettre en lumière et au devant, non pas les personnages servant de faire-valoir mais son protagoniste principal qui se révèle dans la seconde partie du film : la Gare du Nord. Unique et immuable, elle semble prévaloir sur les hommes et leurs affects.
CamilleDlc
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le 10 sept. 2013

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CamilleDlc

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