Sacrée église

La genèse et l’état des lieux du projet pharaonique, titanesque work in progress, imaginé par l’architecte Antoni Gaudi : la Sagrada Familia de Barcelone. C’est un documentaire passionnant et riche qui ravira tous les amateurs d’architecture. Où on théorise aussi sur l’évolution des techniques et notamment la part de plus en plus déterminante prise par le numérique, produisant du coup un art plus lisse, moins organique, dénué de défauts qui le rendaient pourtant si humain. Une histoire de famille aussi quand on voit que, de parents en enfants, qu’ils soient maçons, sculpteurs ou historiens d’art, ils exercent leur métier (sacerdoce ?) pour l’avancement de l’édifice dont peu imaginent qu’ils le verront un jour achevé, alors qu’il reste à construire la Porte de la Gloire et la Tour de Jésus aux proportions inouïes (une hauteur de 100 mètres). Nul besoin d’être croyant pour ressentir la magnificence et l’intensité du lieu au sein duquel des colonies de touristes – plus de trois millions par année – croisent les ouvriers, éparpillés dans des ateliers, du sol au plafond. Gaudi avait une conception particulière de sa profession qu’il envisageait comme l’exploitation de ce que la nature (matériaux, formes, couleurs) lui offrait et lui permettait, se refusant à créer et préférant donc ‘recréer’. Une belle leçon de modestie dédiée à un monument unique, sans cesse modifié et transformé, dans une relecture permanente (et peut-être tronquée ou interprétative) de l’esprit de Gaudi.