Pour un premier film, Jordan Peele fait vraiment très fort. Get Out est un film de genre et c'est une très belle surprise. Un peu comme Scream à son époque (et toute comparaison gardée), c'est un film à l'atmosphère angoissante et horrifique, mais aussi très drôle par moments !

Jordan Peele ne se contente pas de parler de racisme, il donne un vrai aperçu historique du racisme et de la discrimination raciale ... mais en fait, ça va encore plus loin que ça. La lutte des couleurs est une lutte universelle et symbolique, que l'on arrive à lier ici par les "yeux" qui sont un miroir de l'âme. Et puis, cette famille "blanche" ne chasse pas le "noir" comme vous pourriez l'imaginer. La mère (Catherine Keener) utilise l'hypnose pour exercer une restriction psychologique sur eux. Dans la scène où Chris (Daniel Kaluuya) est emprisonné devant la télé, on a le jeu des écrans, le contrôle hypnotique des média, la dépersonnalisation de l'identité et de l'individu ... c'est alors que le "Get Out" prend un tout autre sens ! Le fait qu'il soit en hypnose et qu'il voit la vie réelle sous forme de "carré", ça fait directement référence à l'histoire de son enfance et du décès de sa mère, quand il est resté devant la télé sans agir.

J'ai beaucoup aimé tous ces petits détails disséminés dans le récit, comme l'histoire du grand-père sprinteur. À première vue, c'est un petit détail sans importance, mais ça peut expliquer pourquoi les Armitage, cette famille de dégénérés, s'est lancée dans toute cette entreprise macabre ! En réalité, tout ça c'est un complexe d'infériorité de la part de cette famille blanche. Par amour des noirs, ils font précisément du racisme en mettant en avant des clichés positifs. Ainsi, on voit bien que le père Armitage (Bradley Whitford) est fasciné par l'homme noir, comme l'était son grand-père. On voit aussi comment la grand-mère aime se regarder dans le miroir dans le corps de cette jeune femme noire, ou comment le fils (Caleb Landry Jones) jalouse la musculature de Chris. Et puis il y a la fille (Allison Williams) qui est la prédatrice sexuelle de la famille. Les Armitage appartiennent donc à un groupe de bourgeois de gauche assez aisés qui se sont mis en tête, toujours par amour des noirs et à cause des clichés, de voler leurs corps en "emprisonnant" leur esprit au fin fond de leur cerveau !

Get Out c'est donc une critique assez bien trouvée du racisme ordinaire, teinté de paternalisme qui vise à contrôler le corps et l'esprit des noirs. Ce n'est absolument pas une dénonciation du racisme dit "traditionnel", c'est à dire exercé par les vilains raciste blancs se sentant supérieurs aux noirs ! Ce sont tout au contraire des blancs qui veulent être noirs parce qu'ils s'estiment inférieurs. Et c'est précisément ça le véritable racisme, parce qu'il est insidieux, parce qu'il est positif pour les noirs qui seraient "les plus beaux" et "les plus fort". Un blanc qui verrait ça d'un œil extérieur ne verrait pas ça comme du racisme et pourtant ... ça l'est vraiment ! Ils ont en tête plein de clichés sur les hommes noirs, ils sont plus beaux, plus athlétiques, capables de meilleures performances sexuelles, plus à la mode et forcément ils connaissent tous Jesse Owens. Ce groupe de bourgeois élitistes et antiracistes se rattrapent en disant qu'ils votent pour Obama et qu'ils aiment Tiger Wood ... pour au finale, les traiter comme de la marchandise, comme au temps de l'esclavage.

Jordan Peele s'applique à rendre son film le plus réaliste possible. Ainsi, il n’y a aucune manifestation surnaturelle au sens propre du terme. Aprés, il faut juste accepter que l'hypnose pratiquée ici, ainsi que l'opération voulu par ces riches blancs, soient plausibles. Pour ce qui est du principe de l'hypnose présentée dans le film, à l'aide d'une petite cuillère et d'une simple tasse, j'aurais la même réaction que Chris (un regard amusé). Pour ce qui est de l'opération, elle a été bien étudiée, tentée et ratée durant plusieurs décennies (par le père et le grand-père avant lui) avant de la rendre applicable. L'opération en elle-même ne consiste pas à transplanter le cerveau en entier, mais juste à transférer la conscience. On peut donc imaginer que les médecins qui ont travaillé dessus, ont finalement trouvé dans quelle partie du cerveau se trouve la conscience d'un individu et ont trouvé le moyen de la transférer dans un autre corps sans qu'il n'y ait de rejet.

Bref, Get Out est une franche réussite, un film passionnant qui se permet d'avoir une ambiance unique et particulièrement horrifique. Faire du racisme un élément horrifique, c'est juste brillant !

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le 2 nov. 2023

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lessthantod

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