Jim Jarmush est marqué d'une sorte de spleen baudelairien à la sauce post-moderne (faut le voir pour le croire). Son Ghost Dog est un film de fin de siècle qui résonne comme un appel lointain, venu du Japon ancien, qui se mêle avec style au milieu urbain des USA. Ce mélange des genres a priori étrange n'est pas nouveau puisqu'il était une sorte de marque de fabrique du Wu Tang Clan dont le membre RZA compose la bande originale du film (coïncidence?). Le film s'amuse de son ambition à rassembler, à mélanger, au moyen de scènes drôles et attendrissantes où dialoguent trois langues différentes qui ne se comprennent pas tout en disant la même chose.


Un reflet loufoque qui cache des réalités plus graves que Jarmush refuse de traiter de manière frontale, préférant une voie plus imagée qui correspond mieux à sa façon de faire, plus efficace finalement. Un samouraï aux États Unis, à la société dite "libre" mais finalement pervertie et corrompu par quelques artefacts futiles, Jarmush oppose une tradition où le respect et les codes éthiques fondaient la cohésion de la société. Vision un peu simpliste mais qui, en refusant une diabolisation malvenue, se fait entendre et donne à penser.


Seulement Jarmush a les défauts de ses qualités, en ce sens qu'en voulant faire de son film un appel universel, il perd en concision et réveille les démons qui emporteront quelques années plus tard son intelligent Broken Flowers dans des déboires insipides. Nuisant à la substance première du film, Jarmush égare sa trame initialement épurée dans des épaisseurs inutiles et handicapantes. On a tout de même envie de le défendre, de retenir ce qu'il y a de bien dans ce Ghost Dog, son humanité et ses élans artistiques, même si on regrette certains écarts naïfs et un scénario quelque peu additif.
Heisenberg
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le 15 déc. 2011

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Heisenberg

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