Hollywood. Que dire d'une ville agricole autrefois fondée autour du commerce des agrumes puis transformée petit-à-petit par l'influence du cinéma populaire en l'un des plus grands cimetières de l'ambition américaine. Certains vous diront que sa plus grande force reste cette étrange capacité générationnelle à produire une multitude de manières de continuer à vendre le rêve sur lequel subsiste sa toute relative valeur. D'autres, plus pragmatiques, feront remarquer que ces techniques ne sont jamais que l'une des nombreuses caractéristiques d'une industrie qui en était à ses balbutiements lorsqu'elle participa à l'effort de guerre américain en lui fournissant la forme la plus puissante de bourrage de crâne produite dans le monde libre. Et pourtant... sous le rêve de pacotille réside quelques-uns des plus grands trésors d'une discipline qui sait par moments nous rappeler qu'elle participe d'un art à part entière. Casablanca. Citizen Kane. Certains l'aiment chaud. D'autres films qui ne commencent décidément pas par la lettre « c » mais participent cependant de la grande histoire du cinéma Made in U.S.A. Pensez aux cadavres charismatiques qui résident à proximité de Bunker Hill et vous saurez précisément à quel point la discipline pour laquelle ils sont morts – souvent de maladies liées au tabagisme et à l'amiante, d'ailleurs, c'était la mode – devrait porter le deuil de cette imagination qui leur permettait autrefois de faire d'un petit scénario quelconque un classique de narration avec à leur actif une seule ressource... le talent.


Telle est la monnaie par laquelle le cinéma peut se permettre d'exister. Elle est devenus étrangement rare dans la capitale du divertissement. Faut croire que son fonctionnement tend à éliminer les individualistes indispensables à faire tourner les rouages de l'usine à rêves. C'est normal, d'une certaine façon, la machine à images est grippée depuis quelques décennies. Elle peine à se réinventer face à une offre toujours plus large de produits de divertissement. Fini, le monopole. Oh, elle aura survécu aux révolutions successives du jeu vidéo. Mais à quel prix ? Les techniques de l'ennemi sont devenues le langage cinématographique d'une nouvelle génération avide d'explosions pixelisées. Exécuter avec brio des scénarios futés susceptibles d'évoquer des émotions ? Déconne pas, fiston, c'est à ça que sert la télévision. Et si le problème, c'était le public ? Faut dire qu'il est parfaitement incapable de lire, de nos jours. Plus besoin de faire dans le littéraire. C'est fini les adaptations. Son cerveau cherche le fast-food ? On va lui en donner. Fantasmes d'adolescents sur grand écran. Corps sous stéroïdes engoncés dans du latex. Cascades qui ne tiennent qu'à un fil. Objets phalliques crachant des balles au ralenti. Hommes chauves et voitures de sport. Créatures mignonnes au babil international. C'est ça qu'il veut le public... du banal.


Après tout... c'est un dessin-animé avec une femme en petite tenue capable de devenir invisible et de faire des arts-martiaux tout en tirant sur des gens, lui disait son instinct. C'est pas si dur que ça, suffit de retaper les thèmes afin qu'ils soient compréhensibles pour un enfant de sept ans. Limite, faudra arrondir les angles un brin... et surtout s'assurer d'adapter les scènes mémorables du petit cartoon japonais avec un budget digne de notre savoir-faire américain. Grosses explosions. Univers dans le style de Blade Runner mais en moins convaincant. Oh, et chopez-moi Scarlett Johanson. On a besoin d'une belle femme qui sait faire des cascades tout en étant parfaitement incapable d'exprimer ne serait-ce que le début des prémisses d'une quelconque forme d'émotion. Elle refuse d'être toute nue pendant le film ? C'est pas grave, on la mettre dans une tenue de plongée et on en profitera pour augmenter la taille de sa poitrine. Pour les autres rôles ? J'veux... Julienne Bidoche. Ouais, rien que ça, Julienne Bidoche. Ça leur fera super plaisir, en France, une de leurs actrices dans un vrai film. On aura aussi besoin d'un japonais pour fermer la gueule aux fans de l'original. Il coûte combien, de nos jours, le mec de dans Zatoichi ? Sérieux ?! Prenez-en deux, alors, on a jamais trop de japonais quand on tente de rendre hommage à leur culture. Ouais, ça sonne bien, ça. Rendre hommage à leur culture. Vous pensez qu'ils nous en voudront si on se débrouille pour faire de tout ça une histoire d'amour avec des robots qui sont en fait des humains qui sont en fait des cyborgs ? Vous croyez que c'est grave si – le réalisateur de troisième rang engagé sur ce projet principalement pour sa modicité vérifie la feuille où il a noté les noms des personnages – Femme Cyborg, ouais on lui trouvera un meilleur nom plus tard, rencontre sa mère vers les trois-quarts du film après avoir récupéré sa mémoire ? J'veux dire, c'est un twist. Puis, ça explique son background, t'vois.


C'était sans-doute une réflexion de cet ordre qui animait le crétin prognathe responsable de cette tentative d'adapter le Ghost in the Shell de Mamoru Oshii pour la génération Marvel. Avec un peu de chance l'échec retentissant de cette démarche les dissuadera de s'attaquer à Akira.

MaSQuEdePuSTA
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le 10 juil. 2017

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