Ghostland (ou Incident in a Ghost Land) est le quatrième film du français Pascal Laugier, spécialisé dans l’horreur et auparavant assistant réalisateur auprès de Christophe Gans (connu pour son Silent Hill). Pour ce film qui tire sur l’horreur, le thriller psychologique et le slasher, Pascal Laugier a endossé à la fois le costume de réalisateur et celui de scénariste.


Sa réalisation, sans être mauvaise, n’est pas très bien adaptée à l’horreur je trouve. Les plans sont très majoritairement rapprochés, souvent même des gros plans. C’est bien pour s’identifier au personnage en voyant ses réactions, mais ça ne permet pas bien de voir le décors et donc de créer efficacement une atmosphère horrifique et faire monter la tension. De même, le montage est par moments un peu trop saccadé par rapport à l’ambiance. Tout cela est en particulier vrai dans le deuxième acte (Beth adulte). Par contre, la lumière, point crucial dans le genre horrifique, est réussie.


Mais pour moi, le gros problème du film réside dans l’écriture, qui alterne entre le paresseux et le mal exploité —les dialogues eux parfois maladroits—.


Dans le paresseux je range tout un ensemble de clichés de films d’horreurs aucunement justifiés, juste balancés à la figure parce que “ça fait peur” : la vieille maison isolée —qui au passage a un intérieur de psychopathe—, la famille qui y déménage justement, les poupées flippantes, un faux miroir qui recèle une poupée “à jumpscare”, le camion de glacier, les méchants de freak show —un fat man et un trans—, etc.
Plus particulièrement, dès le début du film, Beth lit dans un journal qu’il y a des “tueurs de familles” qui rodent, décrivant ce qu’ils font subir à leurs victimes. Du coup on sait exactement ce qu’il va arriver, et “ah bah mince alors”, les deux psychopathes étaient justement dans le camion de glacier qui les suivait agressivement en chemin. C’est cliché donc on n’a pas peur, et il y a zéro surprise.


Dans le mal exploité, je range tout le concept de montrer Beth adulte —et Vera, et la mère—. Comme c’est assez central dans le film, je passe en zone spoilers.


L’idée est à la base vraiment cool : nous faire croire qu’on est quinze ans plus tard alors qu’on est dans une histoire que se raconte une Beth en état de choc. D’autant plus que quand on se rend compte de la vérité, ça explique pas mal d’incohérences. Et ça joue assez élégamment sur les codes de l’horreur en laissant croire à une histoire surnaturelle quand en réalité on est face à un slasher assez basique. Mais finalement… tout ce monde ne sert à rien. Pascal Laugier aurait pu faire une vraie enquête, et l’éclatement de la vérité, l'acceptation de la réalité aurait été le climax du film, soit à la fin du second, soit au dernier tiers d’une histoire en trois actes.
À la place on a malheureusement une histoire un peu bancale en cinq actes, où Beth retourne dans son monde fin quatrième/début cinquième au moment où les deux soeurs se font rattraper. Il y avait là aussi la possibilité de faire une fin poignante, avec Beth refusant de sortir de son monde parfait, heureuse dans son rêve car sans espoir dans la réalité. Mais non, elle décide de revenir une seconde fois, et on nous sert une fin classique et décevante. Certes, cette fois ci Beth décide volontairement d'accepter la réalité, mais comme manifestement il avait suffi de quelques grandes claques pour la réveiller la première fois, ça perd de son intérêt.


La performance des acteurs est très correcte —y compris Mylène Farmer dans le rôle de la mère—, mais les rôles secondaires —policiers, gérante de station service, etc— sont nettement moins convaincants.


Bref, Ghostland est un film tantôt maladroit, tantôt paresseux, avec quelques bonnes idées mal exploitées et une image assez jolie. Accessoirement, il ne fait pas vraiment peur. J’ai un peu de mal à comprendre comment il a gagné le Grand Prix du festival de Gérardmer.

Bastral
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le 23 août 2018

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Bastral

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