C'est un film que j'aime beaucoup. Et qui me laisse sur une drôle d'impression. En le voyant sur la fin, je me suis dit que je vais adorer Fellini plus que maintenant, plus que de mesure. Comme si j'étais trop en avance. Comme si c'était l'auteur d'un plus tard. Je l'aime beaucoup d'ores et déjà, c'est juste que j'ai le sentiment que je l'aimerai d'autant plus que je re-re-verrai ses films. Un cinéaste pour mon avenir. Un rendez-vous pris. En prenant de la bouteille. Pensée ou sentiment étranges qui me viennent seulement avec ce Ginger et Fred. Un film propice à une posture méditative, le menton sur le poing.

Sans doute que cet épisode tellement affectueux et nostalgique sur le vieillissement, sur les amours passées, sur la pudeur des sentiments et ce regard que posent Masina et Mastroianni sur leur vies, leur relation, leur métier sont autant d'appel à l'introspection souriante, apaisée. Une caresse assagie. Un film extrêmement délicat. A pleurer. Et tellement fellinien.
La caméra dans un fourmillement délirant de gestes, de cris, de rires, de corps et de bruits fracassants, d'explosions contrastés par des vides pleins, des cases noires, bleutées avec des personnages au fond, dans la pénombre ou sous les sunlights, sous les spots publicitaires, dans la nuit, avec des sons incongrus, des temps, des pauses, des personnages qui se regardent, se parlent, s'aiment avec une force et une profondeur ahurrissante, en quelques gestes, en quelques mots, avec un regard. Incroyablement beau, bon et bien. Le gigantesque capharnaüm de Fellini, le cirque ambulant déambulant, cette montagne de bruits et de sourires, cette masse d'humanité qui met en scène la simplicité et la délicatesse, tout bête, toute frêle. En une seconde, le noir se fait, et Ginger et Fred ne sont plus dans la lumière, ils sont tous les deux, malicieux, duo d'amour, deux petits vieux prêts à prendre la poudre d'escampette.

Derrière cette fanfare, se cache une mise au point vis à vis de la télé Berlusconienne, faite de pub, médias viandardes, obscène consommation de corps, vendus par des mannequins dénudées et surmaquillées, une sorte de branle-bas le combat continu, putassier, armée de téléviseurs, de projecteurs vulgaires, de turgescences débectantes, tel ce pied de porc géant en guise d'enseigne publicitaire qui trône, gigantesque, écrasant la rue de sa masse (média).
En contre-point parfait, le petit couple de vieux, face à cette vulgarité tente par sa simplicité de survivre, avec le sourire, les souvenirs et l'amour intact.
Alligator
9
Écrit par

Créée

le 19 janv. 2013

Critique lue 618 fois

7 j'aime

1 commentaire

Alligator

Écrit par

Critique lue 618 fois

7
1

D'autres avis sur Ginger et Fred

Ginger et Fred
Docteur_Jivago
8

Les Feux de la Rampe

Les lumières s'éteignent, la scène s'assombrit , le trac s'évapore, c'est l'heure de rentrer pour se présenter aux public, ou plutôt de le refaire, bien des années après la gloire, pour Ginger et...

le 25 juil. 2017

19 j'aime

4

Ginger et Fred
Alligator
9

Critique de Ginger et Fred par Alligator

C'est un film que j'aime beaucoup. Et qui me laisse sur une drôle d'impression. En le voyant sur la fin, je me suis dit que je vais adorer Fellini plus que maintenant, plus que de mesure. Comme si...

le 19 janv. 2013

7 j'aime

1

Ginger et Fred
EricDebarnot
7

Giulietta et Marcello

Même si l'on peut trouver la charge de Fellini contre la télévision italienne trop énorme, la force et la vérité des beaux personnages, magnifiquement incarnés par Mastroianni et Masina impose peu à...

le 16 janv. 2017

3 j'aime

Du même critique

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

54 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16

Sharp Objects
Alligator
9

Critique de Sharp Objects par Alligator

En règle générale, les œuvres se nourrissant ou bâtissant toute leur démonstration sur le pathos, l’enlisement, la plainte gémissante des protagonistes me les brisent menues. Il faut un sacré talent...

le 4 sept. 2018

50 j'aime