Quand une force irrésistible rencontre un corps inamovible

Le film m'a fichu par terre. Il est, pour faire simple, tout ce que j'ai toujours aimé dans le cinéma de Shyamalan, et l'est de façon presque exagérée : énigmatique, imprévisible, enchanté, tendre, mélancolique, maladif, claustrophobe.



La joie des retrouvailles



Alors je sais bien qu'il y a du monde qui n'a jamais trop apprécié ce qu'il faisait, et qui dès le départ trouvait sa lecture du cinéma fantastique surécrite, ses twists de dernière minute forcés, ses histoires laborieuses, sa mise en scène désarticulée ou sa direction d'acteurs étrange et parfois ridicule... et si vous êtes de ceux-là, escomptez que Glass vous déplaira. Mais il faut comprendre ce que ça peut être, pour quelqu'un qui a aimé – et par là je veux dire réellement, naïvement aimé ses films, au point d'y avoir fait enfant quelques unes de ses premières expériences cinématographiques de la peur et de l'émerveillement – que de voir cet homme renaître artistiquement et revenir à des œuvres dans lesquelles il incorpore un degré pareil de personnalité, de cœur, d'écriture et d'ambition.


On a donc ce qu'il a tourné de plus long à ce jour. Indéniablement aussi ce qu'il a écrit de plus foisonnant – au point de crouler un peu sous son propre poids, pour être tout à fait honnête, et de vouloir par moment dire trop de choses à la fois ou de presser ce qu'il a à raconter. À cet égard, l'envie d'expliciter les rapports du discours au métadiscours en faisant à tout bout de champ énoncer par Elijah ou par Joseph les parallèles à établir (entre la structure interne du récit et les codes propres aux comics, ou entre la trajectoire de l'artiste et celle de ses personnages) m'a paru gâcher quelques scènes, comme si le scénario se sentait inutilement tenu de justifier de lui-même et de faire la démonstration de son intelligence.


Dans ces complications, Shyamalan perd sans doute quelque chose de l'évidence qui donnait à Incassable son aspect pur, minéral, soupesé d'un bloc à la façon d'une fable moderne. Il récupère en contrepartie une ampleur dans le propos, une richesse thématique, une émotion et une joie de se réinventer qui m'ont paru inédites dans sa filmographie.



Mr Glass vs. Dr Staple : le procès de l'extraordinaire



Il faut voir ne serait-ce que la créativité qui est à l'œuvre ! On parle d'un cinéaste capable de t'annoncer à la fin du deuxième volet que tu en es déjà aux deux tiers d'une trilogie protéiforme dont personne n'avait même soupçonné l'existence jusque-là, puis capable de surenchérir par-dessus ça en emmenant le troisième volet dans une direction encore complètement inattendue.


La traque de la Horde ? Brève affaire d'un premier acte où il est rapidement établi que cette direction – pour excitante qu'elle soit en terme de spectacle – n'aurait consisté qu'à répéter Incassable d'un côté, répéter Split de l'autre. Au lieu de quoi l'on retrouve Dunn et la Horde sagement assis dans une pièce rose, neutralisés par une psychiatre autrement plus féroce et convaincante que la mamie gâteau new age de l'opus précédent, qui entame le procès de leur ordinarité ou de leur extraordinarité avec pour tout enjeu d'établir si ce que nous avons passé les deux films précédents à voir d'exceptionnel en eux relevait ou non du fantasme.


Dès lors, il apparaît que le grand affrontement attendu ne sera pas tant celui de Dunn contre la Bête que celui, mental, de Mr Glass – avocat de l'extraordinaire – contre la psychiatre. Et franchement, autant les digressions du Dr Fletcher dans Split m'avaient paru pesamment didactiques et superflues, autant le personnage de Sarah Paulson cette fois-ci est écrit à merveille. La voir acculer les autres par le seul pouvoir de la parole, dominer entièrement David, Joseph, Dennis ou Patricia, effondrer leurs convictions, entamer la perception que nous-mêmes avions d'eux, puis regarder parallèlement à cela Elijah placer calmement ses pions pour que tout puisse renaître : c'est autrement plus captivant que n'importe quelle conclusion que je m'étais imaginée !



« Ça n'est pas possible et pourtant c'est réel » : peut-être l'idée la plus transversale de la trilogie



Le voici donc, le motif récurrent qui aura fasciné Shyamalan de bout en bout de ces trois films : le medium artistique, du comic-book au cinéma, comme moyen de regarder le réel jouer avec les frontières du possible. Le titre d'ensemble enfin reconstitué lors du dernier générique – Unbreakable Split Glass, donc – en fournit d'ailleurs une illustration supplémentaire : un verre incassable et pourtant fêlé, impossibilité dans les termes et pourtant aboutissement inévitable lorsque l'irrésistible Bête doit rencontrer l'inamovible Dunn.


INCASSABLE explorait la dimension la plus littérale de ce paradoxe du réel qui enfreint le possible, en se proposant de reprendre à l'os, dépouillée de tout grand spectacle, la structure intime du récit du super-héros. David Dunn, qui se découvrait invulnérable sans savoir s'il devait y croire, découvrait surtout l'origine d'une tristesse sans cause apparente qui chaque matin minait sa vie d'époux et de père : il réalisait avoir sacrifié à la tranquillité de sa vie de famille l'expression d'une puissance personnelle irrésistible qui l'appelait à œuvrer pour un bien plus grand que le sien propre, et conjurait finalement la tristesse en laissant libre cours à cette puissance.


Shyamalan, au pinacle jamais réitéré de son élégance, mettait en scène de façon parcimonieuse, magnifique, attentif aux moindres inflexions émotionnelles de ses personnages. Il comprenait, comme à peu près personne n'a jamais compris au sein du sous-genre qu'il arpentait, combien la puissance élémentaire d'une silhouette sombre en imperméable sous la pluie, celle d'un bébé né les os en morceaux, d'un unique survivant retrouvé indemne au milieu de centaines de morts ou d'haltères soulevées jusqu'au seuil de ce qui est humainement possible, supplantait incommensurablement n'importe quel surhomme réalisant sans effort des prouesses désincarnées dans des déluges d'effets factices.


Il comprenait que, lorsque Joseph brandissait un revolver sur son père, il fallait que jamais on ne sache si la balle l'aurait tué ou si elle aurait rebondi sur lui : parce que la première option aurait amputé le possible, la seconde rompu le réel, et que c'était précisément entre les deux, dans et par cette irrésolution du réel tutoyant l'impossible qu'existaient le film et son mystère. Il en rendait le doute, la peur, la magie, le vertige.


SPLIT explorait la dimension psychique de cette irrésolution, en se proposant autour de l'effondrement moral de sa protagoniste et du trouble dissociatif de son antagoniste une double réflexion sur le traumatisme et l'identité. On y suivait un bourreau et sa victime qui, ayant subi des abus comparables durant l'enfance, se découvraient mutuellement aux deux extrémités d'un même spectre : elle, qui ne pouvant plus être elle, avait fini par n'être plus personne ; lui, qui ne pouvant plus être lui, avait acquis la puissance de devenir n'importe qui. Et si l'ensemble pouvait paraître un peu gauche (la faute pour l'essentiel aux interventions bien explicatives et bien lourdes de la psychiatre, dont je faisais mention un peu plus haut), le film avait pour lui un dernier acte cathartique halluciné et un propos en tant que tel mémorable.


L'être brisé serait celui dont le traumatisme a rompu l'unité : celui qui, ayant perdu sa forme définie, a dû pour survivre régresser en-deçà de la surface rassurante où se dessine normalement l'identité – dans l'inquiétude primordiale du dedans, là où se trouve une puissance d'être pour laquelle rien ne va de soi. Là où le possible n'est plus tangiblement défini, et où le réel apparaît dans sa majesté : terrifiant parce qu'encore illimité. Les larmes dans les yeux de Kevin et de Casey lors du dernier échange à travers les barreaux de la cage du zoo devenaient à cet égard le témoin pathétique de deux anéantis qui, en se faisant face, reconnaissaient l'un en l'autre la possibilité de leur existence.


GLASS, en dépaysant son action dans un asile psychiatrique – lieu par excellence de la mise en conformité et du contrôle – se propose un aspect plus politique du problème. Le possible, c'est avant tout l'admis ; donc le réel qui le transgresserait, l'inadmissible, et à ce titre le banni. À cet égard, la bataille théorique qui oppose Elijah au Dr Staple ne porte pas tant sur la question littérale de savoir si les super-pouvoirs existent : l'important, c'est d'affirmer que le génie existe. Que sitôt installée une autorité quelconque qui prétende où que ce soit fixer la limite du possible, il faut en contrepartie que naisse quelque part la puissance individuelle de faire exception. Le fait que cette quête de l'extraordinaire chez Elijah ait pris l'art pour vecteur principal ne fait qu'éclaircir encore le propos : le génie au sens esthétique du terme, ce n'est pas autre chose que le pouvoir de produire du sens en portant au réel quelque chose qui jusque-là était impossible. Et c'est ce génie que le Dr Staple regarde d'un œil mêlé d'admiration et d'effroi : parce qu'elle, y voit une puissance de subversion qui menace l'ordre social.



Relire des lieux communs & en faire des merveilles



Le super-pouvoir, au sens où il est ici entendu, est donc un avatar du génie en tant que capacité à résister au contrôle et à subvertir l'ordre pour le réinventer. Voilà, je crois, l'idée directrice que Shyamalan aura filée à travers cette trilogie : que la puissance propre de l'humain, c'est de refuser l'assignation au possible.


L'idée est d'ailleurs entérinée on ne peut plus explicitement lors du dernier acte, quand est entonnée l'antienne sacrée du genre à propos du « super-héros qui est en chacun de nous ». Et bla, et bla, est tout ce que m'inspirerait d'habitude cette rengaine tant elle a pu être ressassée et émoussée jusqu'à prendre des airs de slogan publicitaire taillé pour flatter le nombrilisme de son consommateur.


Sauf que, précisément, Shyamalan rend à la rengaine une signification magique. Une comparaison éclaircira peut-être où je veux en venir : le dernier Spider-Man (qui par ailleurs regorge de personnages attachants et de trouvailles esthétiques, mon but ici n'est pas du tout de le dénigrer) entonnait la même antienne, mais de l'exacte manière qui me rebute, que je trouve agaçante et puérile : « tout le monde peut être Spider-Man ! » D'une part, c'est faux : non, tu n'as pas été mordu par une araignée radioactive ; non, tu ne peux pas sauter entre les gratte-ciels sans finir en viande sur le bitume ; non, tu ne peux pas être Spider-Man. Puis surtout, cela est si réducteur ! Être Spider-Man : mais pourquoi spécifiquement Spider-Man ? Une scène allait jusqu'à représenter une foule de Spider-gens en deuil communiant à travers Spider-Man... ce qui est d'une tristesse ! C'est faire de l'extraordinaire un mot d'ordre pour adulescents en manque d'étendard. Le moyen de s'aliéner à une idole commune. Autrement dit, c'est en faire un outil culturel d'aplanissement.


Ici au contraire, l'extraordinaire, c'est le singulier qui résiste à l'aplanissement. Shyamalan refuse d'ailleurs de faire de ses personnages des idoles. Que sont David, Elijah, Kevin, à bien y regarder ? Une silhouette anonyme cachée dans un imperméable, tout juste une ombre. Un esprit brillant dans un corps en morceaux. Une horde de personnalités qui peut être tant de monde à la fois qu'elle finit par ne plus être personne. Trois êtres sans forme. Trois puissances indéfinies, rétives au contrôle : une rétive sur le plan de la force, l'autre rétive sur le plan de la pensée, la dernière rétive sur le plan de l'identité.


Et quoique les trois personnages empruntent volontiers, comme le pointe Staple, aux archétypes du héros réticent, du cerveau et de l'anarchiste, la question ne se pose plus en termes manichéens de bien ou de mal – les trois pensent œuvrer pour une cause juste – mais en terme de puissance du singulier à résister à son assignation. David veut être plus que son statut de père de famille ; Elijah, plus que son handicap ; Kevin, plus que son enfance massacrée. Pourquoi ? Parce que tous les trois savent posséder un génie propre qui transcende leur condition. Et ça, c'est une subversion du langage du genre.


La figure traditionnelle de l'affrontement entre le héros et le vilain veut de façon systématique le triomphe d'une justice qui n'est que l'appellation de façade pour désigner le triomphe de l'ordre sur le désordre :



  • au pire, si le récit est idiot, on aura affaire à un bon, protecteur de l'ordre établi, qui devra triompher d'un méchant qui veut le chaos – lui-même ne sachant généralement pas trop pourquoi il veut le chaos, sauf à ce que soit le Joker et qu'il y ait à l'écriture quelqu'un avec le talent des frères Nolan ;

  • au mieux, si le récit se veut plus problématique, on aura droit à un héros tenant d'un ordre pacifique idéal, aux proies avec un antagoniste tenant d'un ordre plus pragmatique et belliqueux, qui intentera un procès en naïveté au héros – et parfois, le récit ira jusqu'à reconnaître une certaine légitimité à la critique de l'antagoniste, se soldant par un compromis entre les principes du héros et les impératifs pragmatiques soulevés par son ennemi, pointant par là une ambivalence essentielle dans la notion même de justice.


Mais à peu près jamais il ne sera mis en cause que ce qui est juste, c'est l'ordre, et que les facteurs de désordre sont ce qui doit être exclu.


Or, les facteurs de désordre, Shyamalan en fait ses héros.
Et l'ordre, il en fait la structure tyrannique :


Une mystérieuse organisation au trèfle révélée dans le dernier acte – qui au passage ne réinstitue aucun manichéisme puisque le personnage du Dr Staple, quoique confirmée en tant que grande antagoniste du film, n'est pas placée à proprement parler dans un rôle de méchante : il est révélé au contraire que sa présence était bienveillante et que sa sollicitude n'était pas feinte, puisqu'elle était là pour tenter d'épargner aux protagonistes d'être exécutés par son organisation.



Le talent d'aimer les personnages qu'on écrit



Du reste, la cohérence de la trilogie n'opère pas que dans le propos.
Émotionnellement, les sommets que ce film atteint sont assez insensés. Rien n'y est ce à quoi je m'attendais au vu des précédents et pourtant tout ce que j'y avais aimé est continué et conclu d'une façon qui m'a tiré des larmes : l'admiration éperdue que Joseph porte à son père ; le besoin de reconnaissance terrible d'Elijah ; le lien d'identification qui retient irrésistiblement Casey à Kevin.


Probablement les thèmes qui nous émeuvent à ce point disent davantage de nous qui en pleurons que des œuvres qui les contiennent – et probablement, oui, ces trois motifs que sont le désir de subsumer dans le père une figure invincible du bien, la nausée qui fond dans l'âme face à la souffrance tant que celle-ci paraît absurde, ou l'affection douloureuse qu'un être brisé peut porter à un semblable sans que personne au monde à part eux ne puisse comprendre ce qu'ils partagent, touchent chez ceux qui en pleurent quelque chose de tragique qui n'appartient qu'à eux. Mais Dieu, la justesse avec laquelle Shyamalan parle de tout cela !


Il y a chez ce cinéaste un amour palpable pour ses personnages qui compte, je crois, parmi ce qu'un cinéaste peut déployer de plus précieux. Les expressions qu'il prend le temps d'aller chercher sur le visage de Joseph adulte, celles qu'il retourne chercher sur son visage d'enfant. Les derniers mots qu'il songe à laisser Elijah recevoir de sa mère. Deux scènes qu'il dédie à montrer Casey dans sa famille d'accueil, isolée au premier plan, seule avec le fil secret qui la retient à Kevin, tandis que des vies joyeuses et anonymes s'ébattent autour d'elle. Jusqu'aux sourires attendris qu'il laisse Staple esquisser pour Hedwig...


Les détails de ce genre, le cinéaste qui manie des pions au service d'une histoire n'en a pas idée : il faut avoir considéré ses personnages comme on considérerait des êtres chers, et à cette condition seulement comprendre ce qui est réellement significatif pour eux, le rendre tangible, donc captiver, donc émouvoir.


Un temps, j'ai cru que la traversée du désert de Shyamalan provenait de ce qu'il avait usé ses talents de conteur, sa créativité ou son sens de la surprise et du rythme. Après Le Village et jusqu'à Split, disons – même si l'on pourra à l'envi discuter où le désert a débuté et où il a fini. Avec le recul, il me semble en fait qu'il avait usé surtout son amour pour les personnages qu'il racontait, et que tout le reste en découlait. Après tout, même dans Le Dernier Maître de l'air ou After Earth, ce ne sont pas çà et là les idées visuelles ni les audaces de narration qui manquent. Pourtant le charme était rompu, le cœur n'y était plus, parce que les personnages avaient cessé d'être la source d'où jaillissait l'histoire : ils étaient devenus des pions impersonnels au service d'un récit. Mais il suffit que l'amour soit retrouvé, et tout émane à nouveau.



Rebondissements en cascade



Il faut évoquer la machine à twists, bien sûr : parce qu'on ne parle pas de Shyamalan sans parler de la machine à twists, et parce qu'en la matière il s'est surpassé : des rebondissements imbriqués dans des rebondissements imbriqués dans des rebondissements, jusqu'à se retrouver avec au moins cinq surprises majeures emboîtées les unes dans les autres ! Ça n'est même plus de l'ordre du twist : le scénario est un jeu de poupées russes !


Alors je sais qu'on est très, très loin de l'unanimité s'agissant de ce procédé, et qu'un bon nombre de retours nettement plus mitigés que le mien pointent qu'à abuser des rebondissements, le film finit par les rendre artificiels. Mais si je suis honnête avec ce que j'ai éprouvé pendant la séance, je dois dire n'avoir rien senti des artifices, et je continue de trouver le talent de renverser ce que l'on croyait savoir inusable entre les mains de ce gars.


Soyons sérieux : le rebondissement du train, c'est du génie !


Personne ne l'avait vu venir – en tout cas personne à ma connaissance, ni de ce que j'avais pu lire. Et sitôt révélé, non seulement cela paraît si évident qu'on se demande comment on a pu ne pas s'en apercevoir, mais plus que cela : on se retrouve avec un élément dramatique unificateur qui était présent depuis les premières minutes du premier film, auquel le deuxième ne cessait de faire référence, que le troisième vient de sceller sous nos yeux plus d'une demi-heure plus tôt par un rictus de joie quand Elijah parcourt le dossier médical de Kevin.


Et le tout parvient, par un même drame fondateur, à tenir d'une main l'ensemble de la trilogie à la fois sur le plan narratif – les tout premiers moments du récit aboutissent dans les tout derniers, en reliant les destins qui s'y sont croisés – et sur le plan thématique – chez chaque personnage, donc, il aura été question d'examiner la résistance au traumatisme.


Du coup, voilà. Je sais bien que le summum de la cinéphilie c'est d'être au-dessus de tout et de montrer à la terre entière qu'on a du goût en pointant partout des effets grossiers... mais si ça, ça n'approche pas la définition du rebondissement parfait, je veux bien qu'on me la donne ! Quand, juste après, Shyamalan se laisse en bon garnement aller à la malice mal dégrossie d'emprunter la bouche d'Elijah pour nous lancer à travers l'écran : « I truly am a mastermind ! », j'avais très envie de ne plus me retenir de battre des mains en pleine séance et crier : « Oui, tu l'es ! »


Je pourrais encore aller du côté de la mise en scène détailler ma joie de le retrouver tel que je l'ai aimé dans ses grands jours : quand il met un soin infini à composer ses cadres, à penser ses couleurs par personnage et par fonction, à jouer de valeurs de plan contre-intuitives pour susciter le malaise, de reflets et de hors-champ pour suggérer le trouble ou le surgissement du fantastique. Mais ça, ça se voit, ça se sent. Et j'ai déjà beaucoup trop écrit.


D'un dernier mot, allez : quand un cinéaste que j'ai aimé d'un pur amour de gosse et que je croyais fichu ressort de plus d'une décennie de désert artistique, avec dans les mains un beau fruit charnu qu'il laissait mûrir d'avant même le désert, depuis vingt ans... ben, je suis heureux.

trineor
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le 19 janv. 2019

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