God’s Pocket est un trou à rats, un quartier de Philadelphie pourri jusqu’à l’os de Philadelphie, sorte de Cours des Miracles où grouille tout ce que cette ville connait de crapules et d’escrocs de caniveau. Ça pullule de voleurs, ça fait de la politique de comptoir, c’est raciste et homophobe, c’est sale et a les chicots comme les poumons jaunis par le tabac. Ça n’oublie pas non plus à l’occasion, de picoler un bon coup, sans discrimination cette fois : hommes, femmes, enfants, tous y passent et se conservent dans l’alcool. Mais c’est fier de tout ça, de cette fierté qu’on balance comme un défit à la face de ceux qui les méprisent. À la façon des frères Coen, John Slattery (excellent acteur de seconds rôles, dont c’est la première réalisation) filme des personnages touchants de bêtise et de médiocrité.

God’s Pocket reste l’un des derniers films tournés par le très regretté Philip Seymour Hoffman, ici en père de famille à la recherche de son taré de beau-fils. Du moins le recherche-t-il parce-que sa chère et tendre, génitrice attitrée du rejeton à moitié psychopathe, l’exige. Parce-qu’avec toutes les emmerdes que ça lui rapporte, il s’en passerait bien de jouer les parrains mafieux, qui règle leurs comptes pour un débile mort. Il se fait aider tant bien que mal par toute une série de bras cassés, qui se la jouent sans jamais arriver à la hauteur des durs de durs.

Et là paf ! La référence au cinéma des frères Coen crève les yeux, mais sans jamais tomber dans le plagiat. C’est plutôt une sorte d’hommage qui leur est rendu, à tous ces personnages à la marge qui s’inventent des histoires pour sortir de la médiocrité du quotidien. La présence du gigantesque John Turturro (mais aussi de Richard Jenkins) au générique, vient renforcer cette impression, qui malgré toutes les qualités du film ne restera finalement qu’une impression plus ou moins vague.

Parce-que même si les références sont plutôt honorables, John Slattery aurait pu et dû sortir plus d’une fois la démultipliée humoristique. Son film est trop sage, beaucoup trop sage (qu’il s’agisse de la mise en scène, des acteurs ou même du scénario) et finalement, il souffre presque de cette référence au cinéma des Coen Brothers. On n’y retrouve pas (assez) cette folie flamboyante qui transforme leurs personnages en héros mythologiques. Même s’il subsiste quelques moments vraiment barrés, on reste sur sa faim avec l’idée qu’il vaut mieux ne pas faire de fatale comparaison.

Pourtant les acteurs sont les bons, le casting impeccable. John Turturro donc, en boucher receleur de viande volée mais voilà, on rêve de revoir le phénoménal "Nobody fuck with the Jesus" Quintana du Big Lebowski, sans jamais le retrouver. Philip Seymour Hoffman pareil, bien sûr on voit le talent d’un type mort trop tôt, mais comme on aurait aimé qu’il finisse sur un chef-d’œuvre tellement mérité. Sinon, il y a aussi Christina Hendricks, parfaite en bimbo idiote, dont on espère qu’elle a été prise pour autre chose que pour son 100 E réputé 100% naturel (bien sûr ma chérie, jalouse, n'y croit pas un instant...). Bizarrement, c’est l’éternel second couteau Richard Jenkins qui tire son épingle du jeu en écrivain alcolo et coureur de jupons plus ou moins jeunes. Cet acteur trimballe une tête de chien battu fascinante bref, la bonne note du film.

Donc on résume, un film bourrées d’idées et de références, à la limite du pillage, mais qui veut peut-être justement trop coller à ces références et en oublie de se libérer du modèle qu’il s’impose. Il fallait du punch, de l’audace bref, oser au maximum quitte à faire de la casse au passage. On aurait eu encore plus de plaisir, si on avait senti cette volonté d’aller encore et toujours plus loin, pour aboutir à une œuvre qui se serait affranchi de ses références, pour gagner en sincérité.
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le 11 oct. 2014

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