Gone Girl par Michaël Bruce

Ça commence de manière intense avec une ville déserte qui a forcément connue des jours meilleurs. La bande son de Trent Reznor dérange et nous aliène en nous obligeant à aller chercher les effets sonores derrière la mélodie. Nous savons déjà, avec notre expérience des thrillers, que cela signifie forcément qu'il va nous falloir aller trouver la vérité derrière les images et les mots. Ce début est une belle ouverture sur ce qui caractérise notre époque : l'image de soi, la réussite, les réseaux sociaux, un immense condensé de la pseudo morale amour, gloire, beauté, famille, travail et patrie.

Forcément, on sent le coup venir car il suffit de jeter un œil sur l'oeuvre de David Fincher pour s’apercevoir qu'il n’apprécie guère la représentation de la réussite américaine. Dans ce dernier long métrage, l'amour ne survit pas et le couple idéal d'écrivains New-Yorkais devient rapidement un couple étranger au chômage dans le Midwest. Les faux-semblants sont omniprésents, la critique sociale, forte, a pour cible de grandes institutions du pays comme le mariage et les médias. L'opinion publique, elle, si formatée et manipulée, bascule rapidement le self-made-man du coté de chez Kafka lorsque le personnage de Ben Affleck (qui a finalement du talent) est accusé du meurtre de sa femme.

Puis, ce qui rend sans doute l'ensemble plus passionnant, c'est que David Fincher ne respecte pas les canons narratifs du genre comme par exemple de proposer un final avec son grand dénouement. Non, lui, il décide de révéler à mi-parcours ce qui est réellement arrivé à Amy (excellente Rosamund Pike) et c'est cette déconstruction de l'enquête, du modèle type de l'histoire de détective, qui fait que GONE GIRL est un grand film. Parce que d'un thriller intéressant aux personnages pervers, le long métrage se transforme dès lors en un spectacle palpitant, une comédie noire cynique. GONE GIRL est excellent parce que c'est d'une part très bien joué, que la réalisation léchée se veut discrète et servie par une splendide photographie. Puis, d'autre part, c'est une fable excitante, doté d'un suspens et d'une vue sur notre monde particulièrement pointus. C'est frais et lourd de sens, tout autant réaliste qu'improbable.

Et c'est évidemment un des meilleurs films de 2014...