Justine, 16 ans, a grandi dans une famille dans laquelle tout le monde est végétarien. Au début du film, elle suit les pas de sa sœur aînée en entrant dans une école vétérinaire. Dans le cadre du bizutage dont sont l'objet les élèves de première année, Justine sera confrontée malgré elle au sang et à la chair des animaux. Ce premier contact va réveiller en elle un appétit bien particulier pour les produits carnés, en particulier d'origine humaine, qu'elle doit à un héritage familial.
Sur un grand site de cinéma, Grave est classé comme un film d'épouvante-horreur. Si le sujet du cannibalisme peut paraître horrible, il n'est pas traité comme il le serait dans des films comme Cannibal Holocaust ou Green Inferno. Il s'agit avant tout d'un film psychologique, centré sur une adolescente faisant face à un héritage familial inconnu, mais aussi face à d'autres problématiques présentes dans la vie de jeunes adultes: la famille, le souci d'intégration à un groupe, l'amour, la sexualité.
Grave est un film relatant une période d'initiation. Justine fait d'abord face aux codes de l'Ecole dont elle fait partie: elle doit tout le long du métrage, et notamment dans sa première partie, faire ce qu'on attend d'elle en tant que "bizute" pour être intégrée au groupe. D'un autre côté, Justine, à en compagnie de sa sœur Alexia,élève plus âgée, découvrira, parfois avec plaisir et curiosité, parfois avec horreur et répulsion, son goût pour la chair humaine, à travers des incidents et des actes parfois beaucoup plus graves et irréparables, même si ce goût pour la chair humaine peut être mis en parallèle avec une sexualité qui se développe. Le tout est toujours relié au contexte dans lequel Justine évolue, une école vétérinaire, dans laquelle les étudiants se côtoient et sont amenés à côtoyer des chairs animales. L'explication à cette tendance au cannibalisme ne viendra qu'à la fin du film, lors d'une conversation entre Justine et son père au sujet de l'obsession de cette dernière, au terme d'un excellent final.
La complexité du contexte, des personnages et des thèmes développés font que Justine, pas plus que sa sœur Alexia, ne passe jamais pour un monstre malgré sa particularité. Dans Grave, on éprouve au contraire beaucoup d'empathie pour cette jeune femme, perdue dans un univers qu'elle ne connaît pas, face à des goûts et des désirs qui l'effraient, avec sa sœur et son colocataire, Adrien, pour seuls repères. Le film est prenant, touchant, les effets sanglants, car il y en a, sont mesurés et jamais inutiles. La présence de sang (animal ou humain), de chair (animale ou humaine) ou de viande n'est pas anodine et montre, presque imperceptiblement, la montée en puissance de l'obsession qu'éprouve Justine pour les produits carnés, mais aussi, de manière secondaire, pour sa sexualité. Le fait qu'on soit dans une école vétérinaire, avec ce que cela implique de présence animale et de corps d'animaux (pour dissection ou observation), sert cette idée de montée en puissance, qui atteindra son paroxysme au moment de la fin officielle du bizutage, qui sonne aussi la fin de l'initiation de Justine, mais aussi celle de la liberté pour sa sœur.
Au final, Grave est un très bon film français. Il traite une grande variété de sujets, et pas seulement le cannibalisme. Même cela, il le fait avec finesse, jamais de manière spectaculaire ou outrageusement écœurante. Grave est un drame et un film psychologique, dans lequel on se prend d'affection pour Justine et Alexia, qu'on est capables de comprendre à la fin du film, et c'est une grande force d'avoir su faire éprouver de l'empathie, voire de la tendresse pour les personnages, et non de l'horreur ou du dégoût, face à un tel sujet. Grave est une perle rare, un film fort en émotions, qui mérite d'être connu.