Joe Dante n'avait pas particulièrement envie de faire une suite de son succès. Il n'accepte qu'à la condition d'avoir les coudées franches, histoire de pouvoir laisser s'exprimer tout son coté délirant. Spielberg lui laisse toute latitude pour faire ce qui lui chante et ni une, ni deux, voici ce bon vieux Dante qui nous entraîne dans le genre d'enfer dont il a le secret!
Si Gremlins premier du nom s'amusait à dégommer l'image d'Epinale des petit villages américains trop tranquilles à coup de créatures aussi féroces et vicieuses que drôles et malicieuses, Gremlins 2, passe au niveau supérieur.
C'est à la mégapole de New-York, et particulièrement à un gratte-ciel qui représente en ce début des années 90 toute l'arrogance de l'économie triomphante américaine que les créatures inventées par Chris Colombus vont s'attaquer.
Joe Dante profite donc de ce second épisode de Gremlins pour, comme il l'a déjà fait par le passé, s'attaquer à un certain american way of life qu'il n'apprécie guère en y foutant un bordel monstre (c'est le cas de le dire) par l'intermédiaire de gremlins encore plus barrés que dans l'épisode précédent.
Le coté horrifique du film original cède la place à un délire qui par certains aspects rappelle les Looney Tunes.
Le film part dans tous les sens, et est rempli à ras bord de clin d’œil à d'autres œuvres audiovisuelles comme de références à un millier de trucs issus de la pop culture.
On y brise de manière constante le quatrième mur à coup de références plus ou moins obscures, et de blagues potaches à l'encontre des spectateurs du film (J'avais à l'époque été voir le film à sa sortie avec ma marraine, et je me rappelle encore notre réaction hilare au faux incident de cabine de projection).
Le film possède une énergie qui parait inépuisable et enchaîne les gags toutes les minutes.
Mais comme toujours chez Dante, l'humour est une charge anarchisante cherchant à dénoncer les travers d'une société inhumaine dont les gremlins sont tout à la fois la représentation déformée et l'incarnation de la vengeance à l'encontre de celle-ci.
Joe Dante et son équipe tirent ici le portrait sous forme de caricature d'une société mécanique, gérée par les machines et qui pervertit la vie (le laboratoire du dernier étage).
Le personnage de Daniel Clamp (Clamp veut dire serrer en anglais, et le logo de sa société représente une planète écrasée et sur le point d'éclater comme dans une pince par son initiale) , sorte d'amalgame entre Donald Trump et Ted Turner, est représentatif de ce mode de pensée résolument tourné vers un avenir factice et cherchant à oublier un passé qu'il voit comme désuet. Clamp ne s'adresse à ses subalternes que par écran interposé, complètement détaché de l'humain au point que de le voir en personne est un événement.
Le personnage de Clamp finira d'ailleurs par changer d'avis et prendre conscience de ses erreurs après avoir été confronté aux destructions engendrées par les gremlins au point qu'il déclare à un moment dans le dialogue qui suit:
Billy Peltzer: Monsieur, je...je suis désolé pour le building
Daniel Clamp: Pas moi
Kate Peltzer: Pas vous?
Daniel Clamp: D'abord, nous sommes assurés contre les dégâts. Ensuite, peut-être que ce n'était pas un endroit fait pour les gens de toute façon. C'était un endroit pour les choses. Quand on fait un endroit pour les choses... des choses y viennent.
... Pas sûr que nos Daniel Clamp aient la même capacité de se remettre en question que le personnage du film .
Gremlins 2 est donc un film qui critique aussi bien la fuite en avant technologique, qu'il dénonce la rapacité du capitalisme et sa mentalité de sale gosse prêt à tout saccager pour une gratification immédiate tel les gremlins du titre.
Joe Dante sous ses dehors rigolard s'avère être un précurseur dans la dénonciation de l’effondrement de notre civilisation dont l'immeuble Clamp, devenu inhumain dans tous ses aspects, est la vibrante représentation.
Même l'affiche joue avec les symboles associés à la finance et aux positions de pouvoirs, ainsi que la position des subalternes qui en récoltent les cendres dans une sorte d'anticipation rigolarde d'un effondrement civilationnel qui vient.