Troisième film de Feyder, troisième fois que je vois la trombine si attachante de Jean Forest (vrai orphelin, recueilli par les Feyder dans la vraie vie) après les très beaux "Crainquebille" et "Visages d'enfants", dans un décor de mélodrame familial à la composante tragique plus ou moins accentuée. Première fois, pourtant, que le programme développé ici me paraît cruellement manquer d'ampleur et de finesse. Comme si les prémices sociales n'avaient pas été suffisamment travaillées pour rendre acceptable le déroulé des événements très catégoriques : l'arrivée d'un petit minot des bas-fonds chez une riche veuve américaine, après qu'elle l'a adopté en ayant considéré sa grande honnêteté — symbolisée par la remise d'un porte-feuille rempli d'argent en dépit de sa condition misérable.
"Gribiche" souffre malheureusement d'un côté programmatique dénué de puissance émotionnelle, qui s'attachera à montrer une différence de classe sociale sans guère de profondeur, avec seulement cette sorte d'ingérence sociale dans l'application d'une éducation distinguée chez un enfant qui n'y était pas destiné. Il y avait là un très bon sujet bien sûr, avec de quoi alimenter un mélodrame typique des années 20, mais bizarrement Jacques Feyder ne travaille pas vraiment au-delà de la lassitude et du malheur de l'enfant en immersion dans la bourgeoisie. Le film tourne essentiellement autour de cette opposition factice entre riches et pauvres, avec une journée-type chez sa nouvelle mère qui essaie de jouer sur le terrain de la comédie (une organisation presque militaire des activités, lever aux aurores, sport, douche, leçons, musique) sans vraiment y parvenir.
En résumé, la manifestation d'une classe sociale se détermine par la manière d'utiliser une serviette de table, semble essayer de dire l'ultime partie sous forme de happy end. Il me semble que le projet de la mère adoptive, charité pavée de bonnes intentions mais aux lourdes conséquences, aurait pu faire l'objet d'une "étude" un peu plus sérieuse, en analysant plus en détails ses critères, plutôt que de se focaliser sur les contraintes d'agenda. La confrontation entre les deux mondes n'aura finalement pas vraiment lieu.