https://youtu.be/wUd_Zglcpyo
Ma joue est encore rouge de la claque que Werner Herzog vient de m’infliger avec Grizzly Man. Le constat de départ est simple : un écolo fou veut sauver les Grizzlies d’Alaska en vivant au plus près d’eux, littéralement, tout en se filmant chaque été pendant 2 mois. Ce Thoreau moderne nous a légué plus de 100 heures d’images fascinantes dont Herzog s’est abreuvé pour monter son film. Mais lors de son 13ème voyage, Baloo a malheureusement décidé de croquer Mowgli.
Dès lors que l’on apprend l’histoire de Timothy Treadwell, on pense à la folie pure, au taré de base qui prend des mastodontes pour des peluches sans calculer le moindre risque. Ce film m’a pris aux tripes parce que je n’y ai pas vu un fou, mais bien un amoureux fou des animaux et de la nature, un passionné total, un idéaliste, un militant mais jamais un inconscient ou un con. J’y ai vu un type qui répétait qu’il ne pouvait pas être plus heureux qu’au milieu du « Grizzly Maze », qu’il mourrait ici s’il le pouvait. Il avait juste besoin de sa tente, de sa caméra et de sa joie de vivre. C’est extrêmement touchant, le type n’emmerde personne au final et est simplement dans son élément. Sa naïveté est belle. S’il voulait vivre parmi les ours, il n’était pas pour autant inconscient. Pour réussir à (sur)vivre 13 ans parmi eux alors qu’il allait les caresser pendant leur pause-saumon ou leur trempette matinale, il ne faut pas seulement de la chance. Même si Herzog affirme n’avoir rien vu d’autre que la faim dans les yeux des nounours qui fixaient Treadwell, il y a forcément une relation qui a du se créer entre eux à un moment.
Mais Grizzly man ne serait pas ce documentaire exceptionnel s’il n’y avait pas le génial Herzog derrière tout ça. L’allemand ne se contente pas d’enchaîner les morceaux de film récupérés de l’œuvre de Treadwell, il brosse un portrait d’un personnage fascinant en nous laissant nous faire notre propre opinion. D’un côté, Treadwell le fascine, d’abord par sa personnalité unique si difficile à cerner, en marge de la société, mais aussi pour son talent de cinéaste. En effet, notre écolo est aussi un redoutable cadreur et filmeur. Herzog admire sa capacité à filmer ce que tous les documentaristes rêveraient de capter. Tout semble être facile pour lui, jamais les animaux ne se sentent dérangés par sa présence alors qu’il est à quelques mètres, voire quelques centimètres d’eux. Il nous livre au final des archives d’une incroyable et d’une rare beauté : l’arrivée inattendue des renards dans le champ de la caméra, le combat des mâles sans aucun bruit, la « danse » du grizzly sous l’eau, la course des bestiaux dans la brume. S’il ne juge pas le sujet de son film, Werner Herzog avance tout de même qu’il n’est pas forcément d’accord avec la vision manichéenne et naïve de Timothy Treadwell, arguant par exemple qu’il existe une chaîne alimentaire. Plus généralement, il tourne presque en dérision l’écologiste en montrant les différentes prises ratées qu’il a enregistrées. Ce mélange de fascination et d’ironie savamment orchestré donne un documentaire rare, précieux et très personnel de la part du cinéaste allemand.
Grizzly man est tout simplement d’une beauté époustouflante, que ce soit sur Timothy Treadwell, un homme qui a réussi à vivre heureux et réalisant son rêve, ou sur le plan visuel. J’avais déjà pris une claque monumentale sur Leçons de Ténèbres pour ce qui est de l’image, Grizzly Man* confirme que le réalisateur est un très grand faiseur d’images. Il arrive à filmer les éléments, l’eau, le feu, la nature, les paysages comme personne, c’est simplement splendide. L’Alaska vient grandir ma liste de destinations d’ailleurs.
Finir le film sur les notes Coyotes chantée par Don Edwards m’a simplement achevé, je venais de voir l’un des plus beaux films qui existent.