"Hannah" est un film qui joue constamment sur le paradoxe, de fait il est aussi séduisant qu'assommant.


La mise en scène d'Andrea Pallaoro est totalement autiste dans le sens où seul lui, semble avoir les clés comportementales de son film. En effet, il est difficile dans cette succession de plans elliptiques de connaître les tenants et aboutissants de la vie de cette femme brisée. Une action, une attitude, un geste venant contrarier les précédents ou les suivants. De cette sédimentation de scènes vont surgir quelques réponses sans toutefois les formaliser. Ce contraste permanent est d'ailleurs amplifié par le travail du chef'op Chayse Irvin tantôt flamboyant, tantôt terne auréolant Hannah de ses affres.


Ce personnage est des plus énigmatique. Elle apparaît très vite comme une victime, dont un poids considérable pèse sur son dos ce qui fait qu'elle semble totalement seule, détruite, torturée. Et puis petit à petit quelques moments bien choisis commencent à trahir son statut de "martyr". Elle se révèle beaucoup plus venimeuse qu'on le pensait


(soutien du mari fautif, tentative d'empoisonnement du petit fils avec les pistils de lys...)


. Une femme complexe dont on essaie de reconstituer le parcours sans jamais vraiment y arriver, la seule certitude est qu'elle est telle la baleine échouée sur une plage, totalement paralysée jusqu'à l'asphyxie (je n'ai rien inventé !)


Il fallait bien une Charlotte Rampling pour incarner Hannah. Son jeu distancié et son visage impassible ont fait, par le passé, merveille ("La chair de l'orchidée", "Sous le sable", "45years"). Elle y est, il est vrai, confondante et mérite largement son Prix d'Interprétation à Venise (le 2ème en 3 ans). Elle est l'âme du film tout autant que la clé de voute. Pallaoro se repose entièrement sur elle et lui offre donc un magnifique rôle. Pourtant là encore on s'interroge. Il ne se la joue pas "groupie", ni même réalisateur fasciné par "son" actrice, son œil est beaucoup plus voyeur que cela. Et la pauvre actrice de se retrouver filmée à maintes reprises à son désavantage sans justification réelle. Hannah, et donc de fait l'actrice, est usée par les vicissitudes de son parcours mais elle sait rester digne, Pallaoro lui, la filme avec indignité. Quelque soit sa faute, cela ne se justifie nullement.


D'ici à quelques années, la composition de Charlotte Rampling ne restera peut-être même plus dans les mémoires tant le film se veut austère et donc inabordable du grand public.

Fritz_Langueur
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le 5 févr. 2018

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