il y a différente raison qui pousse quelqu’un à regarder un film. En ce qui concerne Gaslight, ce ne fut pas la charmante Ingrid Bergman - bien qu’il va bien falloir que je me fasse sa filmographie un jour ou l’autre. Ce ne fut pas non plus Joseph Cotten qui m’avait pourtant bien plu dans l’ombre d’un doute. Ni même pour Cukor. A vrai dire, c’était pour Angela Lansbury. Pour enfin découvrir à quoi cette actrice qui a bercé mon enfance pouvait bien ressembler dans sa jeunesse.
C’est idiot je vous le concède. Mais ce genre d’argument idiot me permet souvent de découvrir des films que je n’aurai pas forcément regardé en temps normal.


Et avec Gaslight, je bénis ce genre d’argument idiot.


Car avec ce film, Cukor nous offre un thriller psychologique absolument fabuleux. Un scénarios démoniaque digne d’un Rebecca et mis en scène avec brio. La magie du noir et blanc peut être ? A l’époque, il n’y avait pas grand choix sur la couleur mais le noir et blanc a ses atouts. Les jeux d’ombres, les recoins obscurs, la profondeur donnée aux prises de vues… De la magie, je vous le dis !
Mais le noir et blanc n’est pas tout pour faire un bon film à l’atmosphère poignante.
Je ne sais pas ce qu’il en est de la fidélité vis à vis de la pièce qu’il adapte, mais le film est doté d’un scénario en béton armé ne laissant aucune chance à son personnage principal qui sombre petit à petit dans la folie. Ou du moins n’en est elle plus très loin.


Ingrid Bergman est magnifique dans ce rôle et sombre lentement, subtilement mais surement dans une folie induite par un mari diaboliquement bien incarné par Charles Boyer. En écrivant cette critique, je repasse le film depuis le départ - une habitude pour rester dans l’ambiance - et la transformation entre la Paula du début, heureuse et innocente en Italie et la Paula manipulée et sur le point de craquer qu’elle devient plus tard est flagrante, marquant encore plus la subtilité avec laquelle Bergman incarne son personnage. Un peu comme lorsque l’on regarde une série sur plusieurs saisons, que l’on voit les personnages évoluer sans même sans rendre compte avant de retomber sur une rediffusion du premier épisode. Là est la grandeur de la chose. Car si l’on sent bien le glissement, il se fait sans à coup, sans brutalité. On sombre avec l’héroïne, ressentant son angoisse croissante et même ses doutes alors même que l’on sent bien ce qui se trame.
A vrai dire, la chose n’est possible qu’avec la participation de son collègue. Boyer, à la hauteur de l’actrice, alterne avec brio entre le rôle du mari aimant et attentionné, prêt à tout pour protéger sa femme, la rendre heureuse, et le manipulateur sans scrupule prêt à tout pour atteindre son but. Un bel exemple de manipulation psychologique, bien plus puissante et dangereuse que la violence physique.
Cotten quant à lui, passe presque inaperçu en inspecteur déterminé à sauver la belle en détresse. Il est bon, mais à vrai dire, la performance des deux acteurs principaux et le scénario efface un peu son rôle, même s’il reste important, notamment lorsqu’il s’agit de démontrer l’emprise de Gregory sur sa femme. Le seul réel petit problème avec ce personnage : comment pouvait il savoir que son moyen de convaincre Paula de le recevoir serait aussi efficace ?


La mise en scène est elle aussi brillante. Je parlais du noir et blanc qui fait souvent son petit effet, mais il est impuissant en lui même et la façon de filmer de Cukor lui permet d’être véritablement efficace. Les ombres prennent vie, les escaliers, désespérants remparts entre Paula et le monde deviennent menaçant, les ruelles emplies de brouillard n’en deviennent que plus mystérieuses.


Un thriller magique de première classe qui ne souffre que peu de critiques et qui fait même une petite place à l’humour avec le personnage de la vieille vampire assoiffée d’histoires sanglantes. Gaslight est un petit chef d’oeuvre qui devrait être montré aux victimes de violences conjugales tout comme aux étudiants en médecine et psychologie. Un film qui vous fait prendre l’ampleur des désastres que peut causer la manipulation psychologique, et que ne sauraient bouder les fans de thrillers du genre.

Gaby_Aisthé
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le 7 déc. 2016

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Gaby Aisthé

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