Après les sublimes Our Huff and Puff Journey et Wonderful World End, MATSUI Daigo revient avec Japanese Girls Never Die – auquel nous préférerons désormais le titre Haruko Azumi is Missing – et signe l’un des films les plus touchants de cette édition du Kinotayo, mais aussi du cinéma japonais de ces dernières années. Porté par un casting cinq étoiles, on note notamment le retour tant attendu de l’actrice AOI Yū dans un rôle principal lui permettant de livrer une des performances les plus touchantes de sa carrière. De la même manière, TAKAHATA Mitsuki réalise l’exploit de rendre attachant et attendrissant un personnage de fille extravertie au style fantasque, là où KOMATSU Nana nous avait laissé de profonds stigmates dans l’exécrable Destruction Babies.


À la manière de ses films précédents, MATSUI Daigo affirme son statut de réalisateur au montage millimétré et au propos chiadé. Aidé par la chronologie éclatée qu’il met en place, il compose une véritable ode féministe au travers d’un portrait désenchanté – et néanmoins empli d’espoir – de femmes japonaises. Haruko Azumi, une jeune employée de bureau de 27 ans, disparaît mystérieusement un jour. Peu à peu, son portrait devient viral après qu’un groupe de street-artists ait choisi d’utiliser son avis de recherche comme pochoir. Bien qu’atypique dans la filmographie du réalisateur, Haruko Azumi is Missing traite malgré tout des milieux estudiantins que MATSUI Daigo affectionne. Coïncidant étrangement avec la disparition de la jeune femme, un gang de lycéennes se met à sévir en ville, décidant de prendre leur revanche sur tous les hommes croisant leur chemin.


En moins de deux heures, le réalisateur questionne la place de la femme dans le Japon contemporain, mais s’interroge aussi sur le pouvoir que l’art et les réseaux sociaux peuvent avoir, notamment vis-à-vis de l’émancipation de ces dernières. Au travers de Haruko Azumi, MATSUI Daigo suit ces femmes ne pouvant se résoudre à une société leur ayant taillé un chemin à suivre passant irrémédiablement par le mariage et le fait d’avoir des enfants.


Enfin, Haruko Azumi is Missing est aussi un portrait générationnel. Chez elle, Haruko voit quotidiennement sa mère tenter d’entretenir sa grand-mère sénile alors que son mari est totalement inactif. Que cela passe par une simple « guerre de la télécommande » ou par son manque d’implication domestique, Haruko brise à sa façon le conformisme familial. A contrario, Haruko se confronte lors de ses pérégrinations à des générations plus jeunes qui s’avèrent tout aussi désenchantées que la sienne, à l’instar de l’innocence brisée d’une jeune fille de sept ans ou de lycéennes trouvant leur liberté dans un certain nihilisme vis-à-vis de la société.


En somme, MATSUI Daigo livre ici le film le plus conséquent de sa jeune carrière qui s’avère être un véritable chef-d’œuvre du cinéma contemporain japonais. Injustement reparti sans récompense du Kinotayo 2017, le film atteste que le réalisateur est définitivement l’un des plus prometteurs de ces dernières années. On regrettera par ailleurs que les mouvements féministes occidentaux préfèrent faire l’éloge de films artistiquement insignifiants comme Wonder Woman de Patty JENKINS plutôt que de véritables œuvres faisant preuve d’une réelle intelligence telle que Haruko Azumi is Missing. Preuve, encore une fois, que si le cinéma japonais est de plus en plus reconnu, il reste néanmoins une cinématographie minoritaire internationalement.


Critique issue d'un retour sur la 12e édition du Kinotayo pour le webzine Journal du Japon.

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le 21 janv. 2018

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Yerp Ono

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