Heat
7.8
Heat

Film de Michael Mann (1995)

Heat est sûrement le premier chef d'oeuvre que j'ai vu dans ma cinéphilie. Je me rappelle, au tout début de mon adolescence, regarder ce DVD avec mon paternel, et pendant plus de 2h30, être immergé dans cette histoire immense, et en y repensant, je me souviens du vertige total qu'ont été les premiers moments à la fin de mon visionnage. Je vis ma cinéphilie pour ce genre de moment.


Heat est un chef d'oeuvre. D'abord, à l'évidence, il met face à face deux des plus grands acteurs de l'histoire du cinéma américain, Al Pacino et Robert de Niro, leur première rencontre véritable de cinéma (ils s'étaient croisés, le temps d'un fondu enchaîné dans Le Parrain : 2° Partie). Pacino y incarne un flic borderline, toujours sur la brêche, que la chasse du gangster maintient en vie, De Niro, un braqueur de banque froid et méticuleux, fidèle dans ses amitiés et qui s'éprend petit à petit d'une jeune femme.


Ce duel au soleil (à la lune, plutôt), est pour moi un western moderne. Dans la scène d'ouverture de film, on voit Neil McCauley, descendre d'un train. Il vient d'arriver en ville, sur les terres du shériff Vincent Hanna. Le reste n'est qu'une course-poursuite jusqu'au bout de la nuit entre ces deux fauves de la même espèces. Car s'ils sont antagonistes, les deux sont les mêmes. Ce sont des créatures désabusées, solitaires, reliques d'un autre temps, qui hantent la nuit de Los Angeles. Ils font partie de la même caste.


La plus grande qualité de Heat est sûrement ses seconds rôles, des figures de western, là aussi. Des moins présents, Tom Sizemore en compagnon de braquage, William Fichtner, en blanchisseur de la mafia, Dennis Haysbert, en repris de justice combattant pour s'en sortir honorablement, une toute jeune Natalie Portman en jeune fille déprimée et suicidaire, aux plus incroyables, Kevin Gage en Waingro, gangster impulsif et terrifiant, et surtout Val Kilmer, incarnant Chris Shiherlis, gangster éperdu amoureux d'une femme qui est trop bien pour lui. Ce casting de seconds rôle, qui aurait pu être éclipsé par les deux géants que sont Pacino et De Niro, leur tient la dragée haute et imprègne le film de leur présence.


Heat est aussi, peut-être, un peu féministe. Trois personnages féminins, (quatre si on ajoute Kim Staunton, en conjointe de Dennis Haysert), moitiés de McCauley, Hanna et Shiherlis, apportent un ancrage totalement réaliste et donc absolument viscéral au récit. Car, si les relations conflictuelles chez les Shiherlis et les Hanna apportent de la profondeur tragique à ces deux personnages, se débattant entre leur réalité violente et une vie conjugale impossible à mener en parallèle, la relation naissante de Neil avec Eady apporte une douceur au gangster, ce qui en fait le personnage le plus lumineux du récit, mais si l'on sait pertinemment que cela le condamne.


Porté par une musique jazzy, rock et électro (les musiques de Moby et Terje Rypdal sont hypnotiques) et une photographie bleutée, rendant Los Angeles, étonnement, clinique et chaude à la fois, le génie de Michael Mann réside dans son découpage de l'action, et son utilisation des silences dans les scènes d'action. A la manière de la scène de cambriolage dans Le Cercle Rouge, Mann plonge le spectateur dans le silence lors des 4 grandes scènes d'action ou tension du film, ne nous laissant qu'avec le bruit de l'action, des mitraillettes, des avions, des véhicules, ou même le silence, total. Encore une fois, le montage décuple la tension et fait de Heat, à mes yeux, le plus grand thriller jamais réalisé.


Je ne saurais pas faire l’exégèse de Heat. Je sais simplement que la position difficile, intenable, de choisir entre Neil et Vincent, entre De Niro et Pacino, nous tient tout au long du film, et dépasse de manière incroyable les valeurs de bien et de mal, de crime et d'autorité. Car le génie de Michael Mann est de rendre ces protagonistes si humains, pour la plupart, qu'on est obligé d'être indulgent avec eux, comme on le serait avec nous mêmes.


Heat fait partie de mes 5 films préféré, et chaque visionnage me confirme cette vérité. Heat est mon choc de cinéma originel, et rien ni personne ne pourra m'enlever cela, car il est rare de ressentir le fait de toucher au génie.

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le 3 déc. 2021

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Agregturp

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