"Heat", à l’image de son titre fiévreux - et en un sens trompeur -, c’est avant tout une atmosphère, bleutée, musicale, humaine, à laquelle il faut être sensible pour aimer le film. On peut bien sûr s'irriter du maniérisme de la mise en scène - froide et belle - de Michael Mann, mais De Niro et Pacino, meilleurs que jamais, transcendent les stéréotypes de leurs personnages en quelques scènes éblouissantes. De la musique "flottante" aux paysages de béton, des clichés hollywoodiens à la perte de l’American Dream, Mann dépeint sans se presser la traque d’un homme par son double, et la destruction cruelle d'une vie patiemment édifiée. Le pessimisme élégant qui hante le film – non exempt d'un certain romantisme noir, notamment dans les relations de couple, presque idéales et pourtant rattrapées par la vie - est finalement sa principale qualité.


"Heat" est donc un grand polar, triste et somptueux, qui révéla à sa sortie, en 1996, Michael Mann, comme une sorte de successeur - en plus maniériste, époque oblige - de Howard Hawks, prolongeant la thématique classique de ses films criminels pour les confronter à l'épreuve du quotidien : s'il n'y a pas plus hawksiens que les deux protagonistes du film, professionnels jusqu'au bout des ongles, Mann explore le revers même de ce professionnalisme, en en poussant jusqu'à la limite les principes.


Tout cela fait de "Heat" un film formidablement fascinant, dont la seule limite serait son aspect sans doute un peu théorique et glacé.


[Critique écrite en 1999, 1999 et remise en forme en 2018]

EricDebarnot
8
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le 29 oct. 2014

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Eric BBYoda

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