Evidemment, Hero sent à plein nez le filon exploité dans le sillage du succès de Tigre et Dragon : moins de dialogues, une dimension plus épique et spectaculaire, et une mise en perspective de tous les éléments de combats.
L’alternance est savamment menée entre les grandes scènes collectives, dans des architectures monumentales (l’attaque des archers, la cité royale) et les combats d’arts martiaux.
Le modèle narratif, sur le principe assez connu du Rashomon, consiste à ne cesser de corriger un récit rétrospectif, dont les versions se succèdent pour aboutir à une vérité bien éloignée de celle initialement donnée. Certes, la formule a ses limites : les récits sont tellement contradictoires qu’au bout du troisième, le spectateur n’investit plus véritablement d’émotion face à ces personnages girouettes, comprenant qu’il s’agit surtout d’assurer une combinatoire permettant de faire combattre n’importe quel protagoniste contre un autre.


Mais c’est dans l’esthétique que se situe surtout l’intérêt d’une telle diversité : d’un flash-back à l’autre, la dominante chromatique change, et avec elle les contraintes imposées au combat. L’un est mis en lien avec la musique, l’autre avec la calligraphie. L’un a lieu à la surface de l’eau, l’autre sous la pluie, dans les feuilles mortes… Ballet ultra stylisé et bénéficiant de la même grâce que son prédécesseur, Hero fait de ces séquences les pièces maîtresses.
Bien entendu, la surenchère n’est pas forcément gage de réussite. Si l’on peut apprécier de voir les combats plus longs et une voltige encore plus maîtrisée, il faut accepter de faire de la forme le but premier…et ultime, jusqu’à l’excès. Le recours à la CGI, notamment dans les gouttes de pluie ou les feuilles mortes, enlaidit des séquences qui n’en demandaient pas tant…


Il s’agit surtout de définir ce que l’on est venu chercher : certes, les thèmes pseudo politiques et sacrificiels sont d’une grande superficialité, et Tigre et dragon était –légèrement – plus ambitieux sur les questions de fond ; mais après tout, on ne songerait pas à reprocher à un cirque d’abuser des couleurs ou des rutilances. C’est à peu près la même chose ici : opéra visuel, Hero mise tout sur son apparence : inutile d’aller y chercher du Shakespeare comme on le ferait dans Ran ou Kagemusha, qui, en dignes chefs d’œuvres, concilient virtuosité formelle et richesse du fond.


A l’image de la calligraphie dont il évoque la grâce, Hero est un signe, et non un langage. On peut s’en satisfaire, à condition de ne pas réduire le wu xia pian à cela.

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le 7 mai 2016

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Sergent_Pepper

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