Un film à sketches comme le cinéma italien en produisait beaucoup dans les années 60-70 qui est cependant quelque peu atypique dans la mesure où les trois parties sont réalisées par le même cinéaste,en l'occurrence Vittorio De Sica,et mettent en scène les deux mêmes vedettes,Sophia Loren et Marcello Mastroianni.Ceci dit,d'autres comédies italiennes ont procédé ainsi,notamment "Les monstres",entièrement réalisé par Dino Risi et où on retrouvait les mêmes comédiens de sketch en sketch.L'oeuvre a visiblement été conçue par son producteur Carlo Ponti pour mettre en valeur,comme il l'a souvent fait, la beauté et le talent de son épouse Sophia Loren,qui de fait est l'attraction principale du film.Elle incarne plusieurs facettes de la femme italienne des sixties en étant successivement une mère de famille nombreuse napolitaine,une richissime milanaise adultère et une énergique prostituée romaine.Le premier segment,"Adelina",se passe à Naples et il n'est pas étonnant qu'il soit écrit par le célèbre dramaturge,acteur,réalisateur et scénariste Eduardo De Filippo,lui-même napolitain bon teint.Adelina fait vivre son enfant et son mari chômeur en vendant des cigarettes de contrebande mais elle est repérée et condamnée à une peine de prison.L'incarcération est différée car elle est enceinte,et pour l'éviter elle s'arrange pour être régulièrement fécondée,ce qui lui vaut de se retrouver avec une pléthorique marmaille.Jusqu'au jour où son mari Carmine,épuisé,n'arrive plus à assurer au lit.La fibre sociale de De Sica et De Filippo est prégnante ici et l'on ressent leur sympathie pour le petit peuple napolitain,ces gens très pauvres condamnés à l'illégalité pour survivre et qui malgré tout gardent joie de vivre et bonne humeur tout en sachant faire preuve de solidarité.Malheureusement l'histoire est stupide et traîne en longueur pour se terminer de manière trop idyllique,tandis que le ton est à la guignolade et abuse des personnages et des comportements excessifs,appuyant un peu fort sur la truculence caricaturale propre aux méditerranéens.Ce qui en fait le prix est l'éblouissante mise en scène de De Sica qui filme les quartiers populaires de Naples comme ils ne l'ont jamais été,avec la foule grouillante,les bâtiments délabrés,les ruelles en pente,les bords de mer et la promiscuité à l'intérieur comme à l'extérieur des maisons.Sa caméra se faufile partout aisément et il nous offre un festival de mouvements d'appareils,de plans et de cadrages magnifiques dans une explosion de couleurs vives.Le deuxième segment,"Anna",est le plus court et le plus faible du lot.Il est pourtant l'oeuvre du grand Cesare Zavattini,un des géants du néo-réalisme et de la comédie italienne,qui de surcroit adapte une nouvelle d'un des grands écrivains transalpins,Alberto Moravia.On y suit l'équipée automobile de la femme d'un milliardaire profitant de l'absence de son époux pour partir se balader avec son amant,qui est lui de condition modeste.La fille n'arrête pas de déblatérer sur un ton snob insupportable pour exprimer....son désir de simplicité,ce qui agace prodigieusement son interlocuteur.Les auteurs ont semble-t-il voulu dénoncer l'inconscience de riches qui ne connaissent rien des problèmes réels de l'existence tout en croyant savoir de quoi il retourne et qui retrouvent vite leurs réflexes de classe dès qu'une situation se complique.L'analyse n'est pas infondée mais elle est délivrée sans finesse,ce qui en atténue notablement la portée,d'autant que la brièveté du sketch laisse une impression de bâclage.On finit par "Mara",autre script de Zavattini,où l'on suit l'embrouille d'une pute de luxe avec sa vieille voisine bigote qui pète les plombs quand l'hétaïre entreprend de dévergonder son petit-fils séminariste.C'est plutôt sympathique,De Sica fait une nouvelle fois preuve de sa dextérité en se jouant de l'étroitesse du décor unique d'un appartement,et le poids de la religion est dénoncé ironiquement à travers les personnages des voisins mais également de celui de Mara qui,en dépit de sa vie dissolue,est volontiers confite en dévotion,la tradition catholique imprégnant alors profondément toutes les strates de la société italienne.Mais là encore c'est maladroitement raconté,ça tourne en rond,la caricature rôde,les protagonistes fluctuent et ça peine à aboutir.Sophia Loren porte tout le film grâce à sa beauté extraordinaire et à sa facilité à se couler dans des personnalités très différentes sans jamais perdre sa justesse.Mastroianni est en revanche très moyen et peine à suivre la cadence de sa partenaire,apparaissant la plupart du temps absent,sauf dans le dernier segment où il interprète avec humour un micheton frustré et patient ne parvenant pas à obtenir les faveurs qu'il attend de la belle prostituée.Le couple de petits vieux de la dernière partie est savoureux,il s'agit de Gennaro Di Gregorio et surtout de Tina Pica,une des mamies les plus efficaces du ciné rital d'autrefois.La photo est superbe,notamment dans la partie napolitaine,et est signée d'une pointure,Giuseppe Rotunno,opérateur attitré de Visconti et Fellini.C'est aussi un caïd qui a composé la musique puisqu'il s'agit d'Armando Trovajoli,un habitué des films de Scola ou Risi,qui fait en plus l'acteur dans le deuxième segment.Il adapte parfaitement ses compositions aux ambiances très différentes des diverses parties."Hier,aujourd'hui et demain" a obtenu l'Oscar du film étranger,ce qui parait largement exagéré au vu du résultat,mais ce genre de récompense n'est pas toujours gage de qualité.

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le 15 avr. 2021

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