Histoires du coin de la rue
6.7
Histoires du coin de la rue

Moyen-métrage d'animation de Osamu Tezuka, Samamoto Yusaku et Eiichi Yamamoto (1962)

Georges Perec aurait adoré Histoires du coin de la rue. Peut-être n'y a-t-il pas plus belle illustration en animation de l'infra-ordinaire auquel il dédiera un livre entier, cette vie quotidienne, oubliée au profit de grands événements. Une vie que l'on ne voit même plus, qui n'existe pas, qui ne laisse aucune trace.


Ce court raconte "non plus l'exotique, mais l'endotique". Inspiré par l'émergence du pop art, voici un conte d'affiches auquel se greffent un à un les habitants d'une rue : un vendeur de ballon, une petite fille, une souris, un arbre et un lampadaire. Chacun mû d'une vie propre, l'histoire ne se raconte pas en mots, mais en formes et en musique. L'orchestration, splendide, rend hommage aux expérimentations graphiques : une animation minimaliste mais pleine d'audace, d'inventivité, de vigueur ; et surtout des scènes de pure poésie.
Avant tout pamphlet contre les totalitarismes, jamais le court ne fait l'erreur de trop élargir son propos. Le défilé des affiches, symbole de propagande : voilà à quoi tient la violence du pouvoir à l'échelle de cette rue. Les dernières minutes sont d'une étonnante émotion.


Pas une minute de trop pour ce petit bijou de subtilité qui annonce déjà l'amour et le génie immodérés d'Eiichi pour la matière graphique, son goût rare pour la métamorphose des formes, sa préoccupation constante pour le son et la musique : un grand court métrage, à voir absolument. Peut-être même une larme poindra-t-elle au terme de la lente agonie d'un malheureux lampadaire.

reSisyphe
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le 13 avr. 2018

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