Autant vous prévenir : cette critique sera à l'image de la construction erratique du film.
Commençons donc par l'esthétisme, puisque c'est là-dessus que m'a été "vendu" le film : certes, l'image est belle, mais après tout il est facile de filmer en très gros plans à tout bout de champ. De la même manière qu'il est facile de faire de l'horreur quand notre champ de vision se limite à peu près aux paupières de l'héroïne, avec une musique insupportable balancée à fond par-dessus.
La base du scénario, ensuite, à savoir cette enquête qui a lieu dans le monde des rêves. C'est une idée qui comporte beaucoup de défauts. Déjà, en soit, cela ne permet pas vraiment au genre de l'horreur de s'épanouir, puisque a priori ce qui se passe dans ce monde-ci ne porte pas à conséquences réelles. Il y avait ainsi plusieurs moyens de pallier cela. Le plus classique aurait été d'instaurer par la mise en scène une confusion entre ces deux mondes. C'est maladroitement tenté une ou deux fois au début, puis vite abandonné. On a ici préféré une piste très vaguement psychologique, selon laquelle l'esprit concrétise les blessures qu'il est persuadé d'avoir subi, couvrant notre blondinette de coupures et de bleus. C'est à peu près aussi ridicule que le coup des 10% du cerveau pour lequel on a jeté Luc Besson au bûcher avec Lucy. Je sais bien que l'on est ici dans le film de genre, et que la crédibilité n'est pas forcément la principale qualité recherchée dans un film d'horreur, mais il y a tout de même un minimum syndical.
D'ailleurs, cela renvoie à une faiblesse plus générale du film : le monde des rêves est surexploité, ne s'y intercalent que quelques scènes dans le monde réel dont on peut interroger la pertinence - le beau-père qui commence sa propre enquête, c'est pour quoi au juste, nous faire un teasing de la suite ? Et du fait de cet abus de l'idée, le film souffre d'un cruel problème de rythme. Pas de climax, pas de révélation patiemment amenée, juste un enchaînement de scènes vaguement énigmatiques qui se ressemblent toutes, jusqu'à ce que, poussivement, l'histoire se dévoile.
Cette histoire, je ne vais pas la dérouler ici. Notons juste qu'elle est d'un intérêt assez limité, à moins que ce ne soit son exploitation qui la fasse paraître si pâle. Et dans tous les cas, on nous laisse à la fin avec un certain nombre de questions sur les bras dont on ne sait trop que faire. On a beau nous citer du Lynch lors de la présentation, chez lui au moins il y a une forme de conclusion qui se plie à l'analyse, et même lorsqu'on n'y trouve pas tout ce qu'on voudrait elle permet au moins d'assurer rythmiquement la clôture. Ici, on a juste une fin en queue-de-poisson à laquelle on n'est pas sûr de comprendre grand-chose.
Après, dans l'ensemble, notons deux ou trois bonnes idées. L'âge des personnages dans le rêve, dépendant des souvenirs de notre héroïne, j'approuve totalement. La tête de cheval a ma foi un certain charme, tout comme son arme bien particulière, et la référence au petit chaperon rouge, si elle m'a agacée, disons pourquoi pas... Mais c'est de toute manière noyé dans une mise en scène risiblement outrageuse.
Déjà, qui prend son bain dans le noir ? Quand le beau-père nous dit au début que beaucoup d'ampoules ont grillé à l'étage, on sait à quel niveau de subtilité s'attendre. Mais c'est le personnage du grand-père, surtout, qui incarne cette démesure dommageable. Dès l'instant où on le voit apparaître sur une photographie, ses airs de Edward de Twilight nous font comprendre que ce n'est pas un gentil. De là à nous le faire parler avec une voix d'outre-tombe et déclamer des versets pseudo-religieux dès qu'il ouvre la bouche... Et je sais bien que la rigidité de la religion inspire des personnages austères et effrayants, mais alors tout le monde a en tête La Nuit du Chasseur, et c'est une comparaison que très peu de films peuvent souffrir - en tout cas pas celui-ci.
Voilà, dans l'ensemble, j'en garde l'impression, non pas d'un énorme gâchis comme je me suis dit au début, car au final il n'y a pas grand-chose à gâcher, mais d'un film qui n'a guère pour lui qu'un tour de caméra cependant bien facile, et qui cesse vite de faire illusion face à la pauvreté du scénario et la faiblesse de la construction. Notons tout de même que c'était loin d'être insupportable, à raison d'un seul visionnage. C'est pourquoi en dépit des nombreux reproches que j'ai à faire, je ne suis pas non plus trop assassine sur la note : au moins ça ne m'a pas donné envie de me tirer une balle pour y couper court.
Shania_Wolf
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le 8 sept. 2014

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Lila Gaius

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