"Harry Potter et les reliques de la mort - partie 1" était réussi pourtant. On aurait pu se dire "C'est peut-être pas une si mauvaise idée que ça de couper les derniers tomes en deux ?". On met de côté l'exemple "Twilight", et c'est presque insouciants qu'on découvre ce premier acte du dernier volet de la saga "Hunger Games". Après un premier film plein de défauts mais pas dégueulasse à suivre, et une suite supérieure en tout points qui démontrait une vraie évolution qualitative, cette Révolte tombe pourtant comme un soufflet. Les raisons d'un tel ratage ? Elles sont nombreuses, et malheureusement plutôt simples à expliquer.

La caractéristique de ces "premières parties du dernier tome" c'est qu'elles axent le plus souvent leur récit sur la psychologie de leurs personnages. Faut dire que l'absence d'action (apparaissant généralement dans le dernier tiers de l'oeuvre originale) ne les aide pas vraiment, et s'il faut bien trouver quelque chose à faire pendant ce temps là, c'est s'intéresser à ses personnages : à leurs débats intérieurs, à leur instabilité, au désenchantement progressif de leur état d'esprit. Si "Harry Potter" avait été un pari gagnant en se révélant tout simplement le meilleur produit de la fameuse "quadrilogie David Yates", ce n'est pas le cas ici. Cette "Partie 1" est plate, vide, ennuyante, très souvent à la limite du ridicule entre ses scènes répétitives (celles du tournage de vidéos de propagande), ses détours romantiques aussi niais qu'ils sentent le remplissage, mais surtout - et j'insiste - ce qui semble constituer la moitié du long-métrage : Jennifer Lawrence qui pleure, Jennifer Lawrence dans un lit d'hôpital, Jennifer Lawrence qui écarquille les yeux, Jennifer Lawrence qui se jette dans les bras de ses amis, Jennifer Lawrence qui découvre que la guerre, bah... c'est pas cool du tout. Non mais sérieusement, elle sort de deux mises à mort collectives, d'une dictature qui l'oppresse depuis sa naissance, d'une ville minière où j'imagine que le manque d'éducation civique n'a pas donné que des voisins modèles, et elle semble paradoxalement tout le temps aussi fragile qu'un Zemmour discutant de l'immigration clandestine. La crédulité du spectateur peut avoir ses limites, et les problèmes scénaristiques du livre ressortent ici de plus belle puisqu'ils sont étirés en longueur jusqu'à n'en plus finir. Il y avait la possibilité de faire quelque chose de bien, de réaliser un film âpre, pessimiste, tragique. Il y a même des fulgurances. Et coup de théâtre, le fond du film est même super intéressant (oui, oui !), dans sa vision anti-manichéenne de la lutte contre l'oppression, et des rebelles qui n'ont rien à envier aux tyrans en terme de démocratie bancale. Comment ça c'est survolé ? Comment ça c'est exposé avec autant de subtilité qu'un Zemmour discutant de l'immigration clandestine ? C'est bien là le problème : à laisser l'espoir d'une morale ambiguë, "Hunger Games - La Révolte : Partie 1" (ou quelle que soit la manière dont ce titre s'écrit) frustre.

Francis Lawrence (et ses scénaristes) construisent le film n'importe comment, tout s'enchaîne selon des fautes de rythme et de goût assez plombantes. On rallonge encore et encore des dialogues aussi insipides que Zemm... qu'un verre de soda laissé à l'air libre, mais dans le même temps on se permet de couper, voir de saboter les rares scènes qui relevaient un peu le niveau catastrophique de l'ensemble (tout ce qui concerne la politique des rebelles en général). Sans parler d'un casting qui cabotine, Jennifer Lawrence n'a jamais été aussi peu à sa place, le charisme détonnant qu'elle démontrait dans les précédents films laisse place ici à une fragilité qui ne lui sied jamais, le reste des seconds rôles n'a aucun intérêt. Ils sont trop nombreux, et tous ont droit à leur petite scène rarement utile. Haymitch et Effy ne sont plus que des sidekicks rigolos, puis à part Seymour Hoffman et Julianne Moore qui semblent autant à leur place que Robert Pattinson dans "Twilight" (défendons-le un peu ce garçon), les autres personnages ne sont que des visages dont on ignorera les noms, même en ayant lu les livres, jusqu'à la dernière minute de cette torture.

Une bonne douzaine de facepalms plus tard, c'est fini. Un petit hommage à Philip en passant (on évitera la blague de "il s'est retourné dans sa tombe", parce je ne pense pas que ce choix de carrière soit son plus grand regret), et après y avoir réfléchit quelques secondes, on se dit que tout ceci n'avait rien de vraiment transcendant. Voir des acteurs appréciables jouer comme des pieds pendant deux heures interminables dans ce qui, dans un film normal, aurait été réduit à une demi-heure tout au plus, c'est ce que dans le langage courant on appelle une perte de temps. On aimerait bien lui chercher des qualités, mais "navet" est le qualificatif le plus proche de la sensation que laisse "Hunger Games chapitre 3 : La Révolte, Mockingjay - Partie 1" ou que-sais-je-encore. Parce que moi j'ai un meilleur titre : "Comment saboter une saga ? Chapitre 1 partie 1".
Vivienn
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le 20 nov. 2014

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Vivienn

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