“Don’t believe the truth !” assène l’un des comparses lors de l’enterrement qui ouvre le film, programme intriguant si l’on se réfère au cinéma vérité et puissamment authentique de Cassavetes. Husbands se présente comme “A comedy of life, death and freedom.” Et c’est bien en effet avec la comédie que le spectateur va devoir traiter. Philosophes de pacotille, le trio d’amis composé des monumentaux Gazzara, Falk et Cassavetes himself vont donner une chance à leur immaturité à travers une virée alcoolisée qui les emmènera jusqu’à Londres. Ironique, le titre les rattache à ce qu’ils refusent ou n’assument pas vraiment : être des maris et des pères de famille.
En roue libre, le film restitue un parcours chaotique, commençant par des activités ludiques (courses clandestines dans les rues, piscine, basket) et s’épaississant progressivement dans les vapeurs de l’alcool.
On retrouve les expérimentations du réalisateur déjà mises en place dans Faces : un jeu sur la durée, ici parfaitement déraisonnable (le film dure 2h15, et pourrait, au vu de certaines séquences, en durer le triple comme le quart s’il ne s’attachait qu’à raconter quelque chose) et étalée jusqu’au point de rupture. La scène du bar, où les comparses racontent des histoires et font chanter les femmes présentes, dans un temps réel à la limite du supportable, immerge ainsi de force le spectateur au cœur d’une action dénuée de sens et répétitive, et dans laquelle surgissent certains accès de violence qui sont d’autant plus dévastateurs.
Si le film fonctionne par instant, c’est évidemment du fait de ses comédiens, et de la probable improvisation (voire, sûrement, du taux d’alcoolémie réel des acteurs) qui sied à cette cavalcade bordélique. Rien ne fonctionne dans cette échappée qui peine, malgré les rires, les vomissements et les coups d’éclat, à masquer l’angoisse profonde de ces êtres en perdition, croyant goûter à la liberté quand ils ne cessent de planifier le retour au home sweet home…
Cette reddition des deux tiers du groupe achève ce film malade, assez éprouvant à voir, et qui dans la filmographie de Cassavetes semble un pendant pseudo comique aux crises conjugales de Faces, mais surtout une préparation au huis clos halluciné que sera le grand œuvre suivant, Une femme sous influence.
(6.5/10)
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