I'm not Madame Bovary, comme son nom ne l'indique pas (traduction plutôt maladroite), est tout d'abord une ode à la Justice, à travers ce personnage aussi fascinant que déroutant de Lian (Fan Bingbing) qui en devient l'incarnation, l'allégorie tant elle symbolise à travers son individuel et obsessionnel combat contre une administration surpuissante la volonté irrépressible de se soustraire au dictat des lois absurdes qui régissent une collectivité soumise.


Rapidement, mue par un désir de vengeance sans relâche, elle passe du statut de simple empêcheuse de tourner en rond, comme le serait une mouche importunant l'énorme éléphant, à celui de caillou dans les chaussures de hauts fonctionnaires de l'état - certes petit caillou, mais qui les empêche sérieusement de marcher à leur aise. En effet, en s'invitant directement et indirectement parmi leurs tables sévères, sa quête prend des proportions insoupçonnées, et le cri du cœur de cette modeste paysanne provinciale résonne jusque dans les bureaux des plus grands, emportant par la même le spectateur dans une remarquable plongée parmi un système bureaucratique gaiement ridiculisé par sa relative absurdité dont la folie raisonnée de Lian est le contrepoids.


Si certains voient une certaine répétition dans les faits rapportés, ils passent à côté d'une maîtrise narrative indéniable où les événement s'enchaînent sans répit, prenant constamment le spectateur à contre-pied dans l'ingénieuse et surprenante remontée à contre-courant de la protagoniste. Par ailleurs, ces mêmes voix, poussées dans leur retranchement en raison de leur incompréhension, s'élèvent pour contrarier les effets créés par ce cadre circulaire qui, outre la volonté de reproduire une certaine peinture orientale, accentue la focalisation sur le personnage central qu'on ne peut que suivre, comprendre et prendre en pitié. Ce même cadre offre de plus la possibilité à Luo Pan (directeur de la photographie) de capter des lieux, déjà magnifiques par eux-mêmes, dans une forme nouvelle qui en épouse somptueusement les lignes, peignant ainsi devant nos yeux ébahis de somptueuses aquarelles et autres tableaux de la plus haute facture.


Véritable petite pépite à découvrir sans faute, le dernier film de Feng Xiaogang, trouverait sans aucun doute sa place dans les meilleurs films de l'année.

Marlon_B
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le 17 juil. 2017

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