En faisant abstraction d'une esthétique parfois clinquante à la façon des clips de rap, comme si quelque part le réalisateur ne croyait pas suffisamment en la force intrinsèque de son film, on peut néanmoins lui reconnaitre une capacité à conduire un récit choral où s'imbriquent personnages et temporalités, Mieux, le film dont on redoute d'abord qu'il s'enferme dans les clichés sur les gangs, les trafics de drogue et brosse un portrait trop univoque d'un Londres cosmopolite sait se bonifier en révélant les multiples facettes des protagonistes, contradictoires et changeantes, sans jamais se montrer manichéen. Sur ce fumier putride où prospère ou bien survit une humanité sans foi ni loi, l'éclosion d'une fleur est toujours envisageable. La rédemption reste d'évidence la figure imposée et incontournable de ce type de scénario mais le rapper Ben Drew ne se (et ne nous) berce d'aucune illusion. L'esprit de vengeance qui reste chevillé au corps des membres des gangs, dès leur plus jeune âge, demeure le meilleur motif à la perpétuation des vols, des viols et des meurtres. Par frustration, par haine ou encore par une colère qui puise ses racines dans un passé douloureux, la victime d'aujourd'hui vise à se transformer en bourreau du lendemain. Dans un territoire vicié et corrompu jusqu'à la moelle, c'est bien l'exil qui reste la seule issue possible. Comme toujours dans le cinéma britannique, les comédiens sont excellents et communiquent ferveur et intensité à un ensemble globalement convaincant.